07/09
Extrait d'un entretien avec S.E. Jacques Dewattre, Ambassadeur de France
en Ethiopie.
(Les nouvelles d'Addis N°18 http://www.ambafrance-ethiopie.org/French/Actualite/interview.htm
)
Nous
avons choisi de publier quelques extraits de l'interview du nouvel Ambassadeur
de France en Ethiopie, S.E. Jacques Dewattre, en privilégiant
les passages où il s'exprime sur Djibouti. L'interview intégrale
peut-être consultée à l'adresse URL ci-dessus.
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Entretien
de l'Ambassadeur
avec "Les Nouvelles d'Addis"
M.
Jacques DEWATRE, Ambassadeur de France en Ethiopie, a accordé
le 23 juin 2000 un entretien à M. Alain LETERRIER, du journal
francophone bimestriel "Les Nouvelles d'Addis" (n°18),
qui nous a donné son accord pour en reproduire le texte.
LNA.
Vous avez pris vos fonctions d'Ambassadeur de France en Ethiopie fin
avril. Quelles ont été vos premières impressions
personnelles en arrivant en Ethiopie, puis à l'ambassade de France,
le "château", ce lieu magnifique ?
-
J'étais déjà venu dans ce pays il y a cinq ans
et j'étais passé à l'ambassade, mais extrêmement
brièvement. Quand on arrive directement d'Europe, on ne se sent
pas tout à fait en Afrique ici. Il faut s'adapter à l'altitude,
à la pollution automobile d'Addis Abeba, à l'état
des routes dès que l'on sort de la capitale. Et surtout il faut
s'adapter à une présence humaine permanente dans les lieux
les plus reculés de ce pays. Très vite on est séduit
par la profonde gentillesse de ses habitants malgré une certaine
réserve vis-à-vis de l'étranger.
Si
je devais qualifier ce très vieux pays, je dirais qu'il m'apparaît
à la fois mystérieux, fascinant et tragique. Car, il est
confronté à la guerre, la sécheresse, la grande
pauvreté et le sida. Mais je ne suis là que depuis deux
mois ; j'en suis donc au stade de la découverte et comme vous
le savez, toute période de découverte est une période
passionnante.
En
ce qui concerne l'ambassade, je n'en parlerai pas si ce n'est pour dire
qu'on vit dans un milieu privilégié. Je crois que c'est
la plus vaste ambassade de France dans le monde. C'est une des plus
hautes en Afrique et probablement la plus ancienne sur ce continent,
en ce qui concerne la diplomatie française. (...)
LNA.
Comment envisagez-vous votre rôle en Ethiopie ?
-
Je le considère un peu comme tout ambassadeur. C'est-à-dire
que je suis très attentif à l'évolution de la situation
intérieure de ce pays, à ses relations extérieures,
à la situation régionale et, c'est une spécificité
de l'Ethiopie, aux liens avec l'OUA et la CEA, bien entendu aux relations
bilatérales entre l'Ethiopie et la France. Je suis aussi attentivement
la présence de la communauté française qui ici
comprend entre 450 et 500 membres. Mon rôle est donc de m'efforcer
de renforcer notre relation politique, notre coopération et d'amplifier
la présence économique et commerciale française.
Le chantier est vaste et il ne manque pas d'ambition. (...)
LNA.
Quels étaient les objectifs de vos entretiens avec le Premier
Ministre éthiopien ? Qu'en est-il ressorti ?
-
Depuis mon arrivée ici, il y a deux mois, le Premier Ministre,
M. Mélès, a réuni à plusieurs reprises le
corps diplomatique, pour expliquer la politique de son pays confronté
à un conflit ouvert avec l'Erythrée et pour répondre
aux questions des ambassadeurs. Ce que nous avons tous beaucoup apprécié.
Par
ailleurs, M. Mélès, que je connaissais déjà
avant de prendre mon poste, m'a demandé de venir le voir à
plusieurs reprises en tête-à-tête. Peut-être
parce que la France en Ethiopie exerce pendant toute l'année
2000 la présidence de l'Union Européenne. (Comme vous
le ssavez, le Portugal préside l'Union Européenne jusqu'à
fin juin, mais il n'y a pas d'ambassade du Portugal en Ethiopie). Depuis
la reprise du conflit, je réunis chaque semaine les treize ambassadeurs
de l'Union Européenne pour que nous puissions ensemble échanger
nos analyses et, par ce dialogue continu, tenter de faire prévaloir
une certaine cohérence au sein de l'Union Européenne.
La deuxième raison est peut-être le fait que la politique
de la France dans ce conflit a été appréciée
à Addis Abeba, car elle repose sur une approche équilibrée
et non partisane. D'autre part, la décision de la France de ne
pas interrompre l'aide au développement qui témoigne de
notre souci de ne pas pénaliser les populations a été
très bien comprise localement.
Dans
les entretiens avec M. Mélès portant sur la situation
dans la région, ont été évoqués les
problèmes de stabilité régionale, la sécurité
de Djibouti, la sécurité des approvisionnements de l'Ethiopie...
M. Mélès est quelqu'un avec qui, en tête-en-tête,
on peut avoir des échanges très directs et francs. (...)
LNA.
Quel est, selon vous, le rôle de la France dans la sécurité
régionale ?
-
Je crois que cela tient à la spécificité du rôle
de l'Ethiopie. Addis Abeba est considérée comme la capitale
diplomatique de l'Afrique, en raison du siège de l'OUA et de
la CEA et, à ce titre, Addis Abeba constitue un centre de concertation
et d'intervention politique unique en Afrique. La politique de la France
en Afrique est marqué par d'une part l'ouverture, d'autre part,
la fidélité à ses anciens amis, et la non-ingérence
dans les affaires intérieures des pays comme on l'a vu récemment
dans certains pays d'Afrique. A Addis Abeba il y a plus de 90 représentations
diplomatiques, ce qui donne une dimension internationale très
étendue au poste. Il est évident que la position géostratégique
exceptionnelle de l'Ethiopie qui est au point de rencontre de l'Afrique
et de l'Orient, en fait pour la France un partenaire stratégique
très important. Il faut toujours voir en prospective. Dans une
génération, ce pays devrait atteindre cent millions d'habitants.
Ce pays est enclavé depuis l'indépendance de l'Erythrée.
La France qui est présente militairement à
Djibouti partage avec l'Ethiopie la même préoccupation
d'un environnement stable dans la Corne. La présence militaire
de la France à Djibouti garantit la sécurité de
l'approvisionnement d'Addis Abeba. D'ailleurs, on vient de le constater
dans le conflit actuel. Donc, il est certain que, sans parler de la
justification de la présence militaire de Djibouti, l'importance
pour la France de la liberté de circulation des produits énergétiques
dans la péninsule arabique, est déterminant. Et l'hinterland
de Djibouti n'est pas étranger aux préoccupations françaises.
LNA.
Revenons sur "l'autre mission" supposée. La France
cherche à se désengager de sa présence (au moins
militaire) à Djibouti. Mais, pour préserver ses intérêts,
n'a-t-elle pas besoin de maintenir une sécurité régionale
et votre poste ne serait-il pas de fait un poste régional ?
-
Non. La France est très attachée à la stabilité
de la Corne de l'Afrique pour des raisons évidentes. Et la Corne
de l'Afrique ce n'est pas que Djibouti. Djibouti est une plaque aéroportuaire
essentielle pour s'intégrer dans cette région du monde,
mais dans la zone, l'éléphant c'est l'Ethiopie. On est
donc obligé d'avoir une relation très particulière
avec ce vieux et ce grand pays, d'autant qu'il recèle un potentiel
qui pourrait être mis en valeur une fois que ce pays pourra consacrer
toutes ses ressources au développement.
(...)
Comme
je vous le disais précédemment, l'Ethiopie est le poids
lourd dans la Corne de l'Afrique ; je pense que l'investissement de
la France s'avère profitable, qu'il conforte notre place et la
spécificité de notre attitude vis-à-vis de l'Ethiopie.
Depuis que je suis là, je me rends compte aussi, en discutant
avec mes interlocuteurs, que cet investissement sera efficace compte
tenu de la qualité des élites éthiopiennes. Ensuite
cet investissement aura un effet bénéfique parce qu'il
stabilise un pays qui peu à peu prend le chemin d'un Etat de
droit. De plus, cet investissement en Ethiopie contribue à la
stabilité de Djibouti.
(...)
LNA.
Et le train ?
-
Nous avons cofinancé pour 40 millions de francs, au titre de
l'Agence française de Développement, l'achat et la réparation
de moyens de traction ferroviaire. Je suis allé moi-même
à Diré-Daoua visiter le chantier des ateliers. Je me suis
engagé à faire le trajet en train mais depuis que je suis
là, il y a eu au moins un attentat et peut-être un deuxième.
Ce n'est pas ce qui me retient ; parce que je ne monterai pas dans le
wagon placé devant la draisine et qui déraille quand la
mine saute ! (rires). J'ai envie de le faire parce que je crois que
c'est assez acrobatique et puis c'est une réalisation française.
Quand on voit que tous ces gens à Diré-Daoua parlent un
français extraordinaire, que ces cheminots sont très attachés
à l'esprit du rail que l'on retrouve en France, en particulier
parmi les anciens cheminots, cela fait chaud au coeur. (...)
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