LA LIBERTÉ Numéro spécial 1
10 décembre 2000
Journal permanent et indépendant
de tous les djiboutiens de l'opposition

Bulletin
de l'A. R. D. H. D
2ème année
Merci de diffuser cette information autour de vous

9/12 A Djibouti, dans la plus grande discrétion,
la France livre un opposant politique au bourreau.

Le général Yacin Yabeh, ancien chef des forces de Police, était entré en opposition, depuis plusieurs mois, contre M. Guelleh, le dictateur de Djibouti. Les divergences étaient apparues en juin dernier, lorsque le Général avait refusé de faire tirer à balles sur des manifestants dans la rue : grève des taxis pour demander une baisse des produits pétroliers.

Le merdredi 7 décembre, le Général a été limogé officiellement. Aussitôt, les unités de la Police ont pris position à différents points stratégiques de la capitale : djibouti-ville. Dans l'après-midi, l'Armée, restée fidèle au régime, est intervenue et a repris "facilement" (mais avec de gros moyens) le contrôle de la ville. Les forces de police n'ont opposé aucune résistance et n'ont pas utilisé leurs armes, sur instruction du Général qui a déclaré qu'il ne voulait surtout pas provoquer un bain de sang.

Le général s'est ensuite réfugié à la base aérienne française, où il a été accueilli, puis il a demandé aux autorités françaises à bénéficier du droit d'asile.

Samedi, la France a remis le Général aux autorités djiboutiennes, au mépris de notre droit et de notre constitution.

La France, l'Europe et plus généralement toute la communauté internationale, considèrent que le régime djiboutien n'est pas démocratique et qu'il s'agit d'un Etat de non-droit. Plusieurs missions officielles (FIDH, Amnesty, Observatoire des Prisons) considèrent que Djibouti n'applique pas les accords internationaux (dont il est signataire) en matière des Droits de l'Homme, en particulier dans le système pénal (qui est aux ordres de la Présidence) et dans la tristement célèbre prison de Gabode.

La décision de la France est grave

  • Le Gouvernement français a décidé 'd'extrader' un réfugié politique(*) qui lui avait demandé l'asile, sans passer, comme il aurait du le faire, par les voies judiciaires prévues par notre Code Pénal et par notre Constitution,

  • L'image de la France au sein de la population djiboutienne est considérablement ternie et nous allons enregistrer une perte de confiance significative, avec le risque de voir se développer des réflexes anti-français,

  • L'image de la France dans toute l'Afrique en sera dégradée : de nombreux opposants politiques qui se battent pour le Respect des Droits de l'Homme dans leurs pays respectifs vont se méfier désormais, et probablement à juste titre, de notre pays,

La France, en la circonstance, a agi
comme un Etat de non-droit.


Et surtout elle apporte un renfort inespéré à un dictateur célèbre pour les nombreuses violations des Droits de l'Homme, commises dans son pays et sous ses ordres : torture, viols, arrestations et exécutions arbitraires, menaces. Et de plus ce dictateur pourrait être impliqué directement dans l'assassinat du juge français Bernard BORREL.

Ce dictateur est sous le coup d'une plainte pour Crimes contre l'Humanité, qui devrait être renouvelée dans les prochains jours, à la demande de plusieurs associations / organisations inconstestées. Le Général Yacin Yabeh a été mis au secret dans la fameuse brigade nord et tout nous laisse supposer qu'il doit être soumis à la torture et qu'il pourrait mourir 'accidentellement' dans les prochaines semaines.


Nous lançons un appel aux journalistes et aux députés

Nous demandons à tous les journalistes de relayer cette information et aux députés français et européens de demander des explications aux Gouvernement français sur sa décision extrêmement grave pour la crédibilité de notre système judiciaire, le fonctionnement de nos institutions et notre image de terre d'asile en Afrique.

* Nous ne portons pas le débat sur la responsabilité ou non du Général et sur sa moralité, mais sur le principe qui consiste à remettre sans débat contradictoire un opposant à son bourreau, sachant qu'aucune garantie juridique ne peut-être obtenue avec un régime comme celui de M. Guelleh à Djibouti

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