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Mercredi 3 mars 1999

Texte de la lettre adressée par
Maître Arnaud MONTEBOURG,
avocat, député et
Président de l'Amicale parlementaire franco-djiboutienne

à Monsieur JOSSELIN

Ministre délégué à la Coopération

à Monsieur Charles JOSSELIN
Ministre Délégué à la Coopération

 

Monsieur le Ministre Délégué,

Il n'a pas échappé à la Représentation Nationale que vous vous êtes rendu, les 21 et 22 janvier derniers, en visite officielle auprès de l'Etat djiboutien aux fins d'achever les négociations engagées depuis plusieurs mois entre les autorités françaises et djiboutiennes au regard des décisions de restructurations des Forces françaises stationnées à Djibouti.

A cette occasion, il a été signé plusieurs conventions engageant les finances publiques françaises à hauteur de 75 millions de francs, destinées au financement de projets sociaux et de certaines infrastructures.

Cette mise à contribution importante des contribuables français m'amène à revenir sur les conditions dans lesquelles l'Etat djiboutien refuse aux djiboutiens le respect des plus élémentaires libertés fondamentales :

Lors de manifestations sur la voie publique, le 18 décembre 1995, les forces de l'ordre ont usé des armes à feu sur les élèves, blessant un élève de 5ème au collège de Boulaos et tuant un autre élève du collège d'Ali Sabieh le mardi 9 janvier 1996.

Le 14 janvier 1996, treize dirigeants syndicaux du Syndicat des Enseignants du Primaire et du Syndicat des Enseignants du Second Degré, ont été arrêtés et incarcérés dans le "centre de détention" de Nagad. Ils furent jugés le 16 janvier 1996 pour "troubles à l'ordre public".

Le 7 août 1996, cinq opposants, dont trois parlementaires, ont été condamnés à l'inéligibilité et à la prison pour simple offense au Président de la République, au mépris des règles de levée de leur immunité parlementaire. Amnesty International et la Fédération Internationale des Droits de l'Homme ont identifié et condamné cette atteinte aux droits de l'homme et à la Constitution djiboutienne.

Le 2 février 1997, les forces de l'ordre ont chargé à coups de matraques et de bombes lacrymogènes les retraités qui réclamaient pacifiquement le paiement de leur pension accusant six mois de retard.

Le 5 février 1997, Me Aref Mohamed Aref, Doyen des avocats et militant des droits de l'homme, a été interdit d'exercer sa profession sans avoir été jugé.

Le 26 septembre 1997, plusieurs opposants politiques appartenant au Front pour la Restauration de l'Unité de la Démocratie (FRUD) furent arrêtés en Ethiopie et extradés vers Djibouti pour y être emprisonnés. Parmi eux, Madame Aïcha Dabale, épouse de l'un des opposants politiques, militante des droits de l'homme, sans activité politique, enceinte de trois mois.

Le 17 février 1998, le Président du Front Uni de l'Opposition Djiboutienne et le Directeur du journal AL WAHADA ont été arrêtés et transférés à la prison de Gabode.

Le 23 mars 1998, une centaine d'employés du ministère de la santé ont été arrêtés et transférés dans le "centre de détention" de Nagad à la suite d'une grève. Six d'entre eux, parmi lesquels une femme, ont été incarcérés à la prison civile de Gabode, le 25 mars 1998. Un employé de l'hôpital, passé à tabac par les forces de l'ordre, est tombé dans le coma suite à ses blessures.

Le 3 mai 1998, le Directeur de l'hebdomadaire LE POPULAIRE et son adjoint ont été arrêtés et transférés à la prison civile de Gabode.

Le 5 décembre 1998, Me Aref Mohamed Aref, à la veille de l'ouverture à Paris des "Etats Généraux des Droits de l'Homme" où il devait intervenir, s'est vu retirer d'autorité et sans aucun fondement juridique son passeport par les autorités djiboutiennes afin de l'empêcher de se rendre en France.

Le 12 février 1999, dans le cadre de la campagne pour les élections présidentielles du 9 avril prochain, l'opposition qui ne dispose d'aucun droit d'antenne, a organisé une manifestation, autorisée par le Ministère de l'Intérieur, mais sévèrement réprimée par les forces de l'ordre et donnant lieu au placement en garde à vue des personnalités de l'opposition.

Le 15 février 1999, Me Aref Mohamed Aref a été condamné à deux ans d'emprisonnement dont 6 mois ferme avec mandat de dépôt pour "tentative d'escroquerie et abus de confiance" dans une affaire de droit commun liée à une vente de farine. En violation de l'article 21 de la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale signée le 27 septembre 1986 entre la France et la République de Djibouti, les autorités djiboutiennes ont refusé de délivrer des visas aux avocats français défenseurs de Me Aref Mohamed Aref. -2-

Depuis le 15 février 1999, Me Aref Mohamed Aref est incarcéré dans des conditions inhumaines à la prison de Gabode, dans une toilette turque d'1 m2 à ciel ouvert qui lui tient lieu de cellule sans pouvoir s'allonger ou se coucher, sans aucun droit de visite, dans des conditions dénoncées par la FIDH.

Vous me permettrez, au regard de l'ensemble de ces faits bien connus par le Gouvernement français, d'exprimer mon étonnement à l'égard de la politique de coopération de notre pays auprès de l'Etat djiboutien.

Est-il, en effet, acceptable qu'aucune condition de respect des droits de l'homme au vu des normes généralement admises n'ait été préalablement posée à l'engagement par le budget de l'Etat français d'une aide supplémentaire de 25 millions de francs au gouvernement djiboutien en 1998 et de 75 millions de francs cette année ?

La cotisation des contribuables français à ce régime augmenterait-elle avec l'intensification des atteintes aux droits de l'homme ?

J'ai pris connaissance du contenu du toast que vous avez prononcé devant les plus hautes autorités djiboutiennes exaltant "l'amitié franco-djiboutienne" dans lequel vous n'évoquez pas une seule des tristes souffrances que ce régime provoque sur la population djiboutienne.

Pas un mot, même allusif, pas l'expression de la moindre exigence de celle que vous exposiez vous même devant les parlementaire, à l'Assemblée Nationale, le 25 novembre 1998, lorsque vous décriviez la "nouvelle" politique africaine de la France : "

La non ingérence n'est pas une façon de se réfugier derrière une neutralité plus ou moins bienveillante. Ce n'est pas non plus de l'indifférence.

La non-ingérence ne nous dispense pas d'être exigeants et de réviser nos projets de coopération si les droits de l'homme et l'état de droit ne sont pas respectés".

En conséquence d'une telle profession de foi, j'invite et presse le Gouvernement français d'intervenir dans les plus brefs délais en faveur de Me Aref Mohamed Aref, injustement et illégalement enfermé dans les geôles djiboutiennes, avec l'aide et le soutien de l'argent public de la coopération française.

Par ailleurs, je souhaite que notre Gouvernement suspende sans délai l'exécution des conventions signées de votre main et en son nom aussi longtemps que les pratiques dénoncées plus haut n'auront pas cessé.

Vous pouvez, à ce titre, compter sur ma constance et ma fidélité aux principes proclamés de la "Nouvelle Politique Africaine de la France". Les parlementaires, membres du Groupe d'Amitié France-Djibouti attendent de vous des réponses circonstanciées, et argumentées, lors de votre venue devant ce groupe à l'Assemblée Nationale, le 23 mars prochain.

Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre Délégué, en l'assurance de ma vigilante considération.

 

Arnaud MONTEBOURG


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