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Qui
se soucie de cette petite parcelle de territoire, indépendante depuis 1977,
située aux confins de l'Ethiopie, de l'Erythrée et de la Somalie ?
Accrochée
à la Corne de l'Afrique, en face de la péninsule arabique et des côtes yéménites,
la République de Djibouti, anciennement Côte Française des Somalis puis Territoire
Français des Afars et des Issas, contrôle le stratégique détroit de Bab El
Mandeb ( la Porte des Lamentations ) à l'extrémité de la Mer Rouge et du Canal
du Suez.
Cette rapide
description de la situation géographique de Djibouti suffit à démontrer l'importance
de cet Etat à différents égards.
Depuis de
nombreuses années, Djibouti sombre dans le chaos malgré l'aide financière
considérable allouée par l'Union Européenne, le Fonds Monétaire International
et également par la France qui y a stationné sa base militaire la plus importante
à l'étranger.
Aujourd'hui
comme hier, il est difficile d'être un homme libre à Djibouti.
Des rapports
sur la situation des droits de l'homme ont été rédigés par plusieurs organisations
comme la F.I.D.H., la F.N.U.J.A. ou AMNESTY INTERNATIONAL.
Tous ont mis au jour les arrestations arbitraires,
les exécutions sommaires, les procès irréguliers, les violations répétées
de la norme interne et de l'ensemble des instruments internationaux ratifiés
par la République de Djibouti.
L'assemblée
nationale et le Barreau de Djibouti étaient peut-être les derniers lieux où
pouvait encore souffler le vent ténu de la liberté d'expression.
Or, les partis
politiques d'opposition ont été supprimés, les membres élus au parlement poursuivis
et déchus de leurs droits, malgré une décision du Conseil Constitutionnel
annulant la procédure de levée de l'immunité parlementaire.
Le
président du P.R.D. a été arrêté le 12 octobre 1997 et incarcéré à la prison
de Gabode de terrifiante réputation pour n'être libéré par la Chambre d'Accusation
que 18 jours plus tard.
Le
Barreau lui-même a été bâillonné: deux avocats ont été suspendus, dont Djama
MEIDAL, président du Conseil Constitutionnel, à la suite de la décision courageuse
qu'il a prise en faveur des parlementaires et Aref Mohamed Aref, Doyen du
Barreau et militant des droits de l'homme.
Ces deux
avocats sont poursuivis dans le cadre de procédures totalement iniques, lesquelles
n'ont d'autres objectifs que de les empêcher d'exercer leur profession.
Les autorités
locales font pression sur les autres avocats qui ne sont pas encore suspendus
et qui rencontrent des obstacles difficiles à surmonter pour la mise en oeuvre
des droits de la défense.
Par ailleurs,
le pouvoir a resserré l'étau sur le pays en adoptant le 28 octobre 1997 un
projet de loi mettant en vigueur l'obligation de visa pour les ressortissants
français.
Ainsi, les
autorités djiboutiennes auront la main mise sur les autorisations d'entrée
sur le territoire et pourront interdire discrétionnairement à tel ou tel avocat
français de venir en aide aux opprimés.
Face
à cette situation, des hommes et des femmes se battent chaque jour pour préserver
ce qui leur reste de liberté et de dignité.
Ils espèrent que dans un avenir proche, les partenaires du régime, dont la
France, prendront la mesure de cette injustice inacceptable car IL N'Y A PLUS
D'ETAT DE DROIT A DJIBOUTI.
Les règles de procédure
judiciaire, fondement même de la démocratie, sont violées:
- l'Ordre des Avocats
n'est plus l'institution qui devrait protéger, mais organe du pouvoir pour
sanctionner la liberté de parole; les magistrats ne bénéficient plus du
principe de l'inamovibilité inscrit dans la Constitution;
- la violence, le chantage,
les menaces policières sont la loi quotidienne pour ce peuple spolié;
- les traitements n'ont
pas été payés aux fonctionnaires depuis plusieurs mois en dépit des aides
de la France;
- l'hôpital de Djibouti
est appelé " le mouroir " par la population ...
L'Union Interparlementaire
a été saisie de cette question et a rendu public de nombreux rapports mettant
en évidence les atteintes aux droits de l'homme.
Quel
avenir pour ce pays ?
Celui qui est en train
de sourdre du plus profond de l'âme de ce peuple commence à se dessiner à
l'horizon.
Il est heureusement des hommes qui fédèrent les alliances, des artisans de
paix, des personnalités qui oeuvrent, au péril de leur vie et de leur liberté,
pour le bien commun de leur pays et qui portent en eux la lueur de l'espérance.
L'acharnement
du pouvoir s'amplifie chaque jour !
Les autorités judiciaires de Djibouti ont fait délivrer à Me AREF MOHAMED
AREF, une citation à comparaître devant le Tribunal Correctionnel le 15 février
1999 pour des faits dont est toujours saisie la Cour suprême du pays.
Ses avocats français ont été interdits de visa et se voient refuser le droit
de plaider pour lui.
Il y a violation des principes internationaux et notamment de la charte africaine
des droits de l'homme et des peuples qui édicte que chaque justiciable a le
droit de se faire défendre par l'avocat de son choix. Me AREF, vice-président
de l'Association Française des Amis des Démocrates de Djibouti (A.F.A.D.D.),
est victime, une nouvelle fois, de la tyrannie du pouvoir djiboutien en place,
à quelques mois de l'élection présidentielle.
Après un simulacre de
procès, le Tribunal Correctionnel de Djibouti a condamné Me AREF MOHAMED AREF
à 2 ans de prison dont 6 mois ferme et a décerné, sur le siège, mandat de
dépôt à l'audience.
Me AREF a été transféré
immédiatement à la prison de Gabode où il a été incarcéré.
Le gouvernement de Djibouti,
après les incidents de samedi dernier où une réunion publique de l'Opposition
Unie de Djibouti a été empêchée par les forces de l'ordre après avoir été
autorisée par le ministre de l'intérieur, a voulu démontrer, par ce procès
inique, sa volonté de réduire au silence toutes formes de résistance animée
par la lutte pour les droits fondamentaux de l'homme. Me AREF est actuellement
détenu à la prison de Gabode dans des conditions inhumaines qui sont assimilées
à des actes de torture et des traitements dégradants.
Enfermé
dans le quartier réservé aux déments et aux personnes dangereuses, il a été
placé dans des toilettes turques exiguës en guise de cellule, sans autorisation
de sortie dans la cour.
Compte tenu de la chaleur
et dans l'impossibilité de se mouvoir, ces conditions constituent une violation
de la norme internationale. Me AREF a été mis au secret, sans pouvoir avoir
le moindre contact avec l'extérieur.
Seul Me OMAR a été autorisé
à la rencontrer, alors que l'observateur franco-belge d'ASF n'a pu obtenir
un permis de visite, contrairement aux dispositions de la convention franco-djiboutienne
de coopération judiciaire.
Le greffe de la prison
a refusé d'inscrire l'appel que Me AREF a souhaité former de cette décision
de condamnation inique en lui indiquant qu'il n'avait pas le droit de sortir
des toilettes qui lui servent de cellule.
Il est probable, d'après
les renseignements recueillis, que Me AREF soit transféré dans une prison
du nord du pays pour l'éloigner de la capitale et de sa famille.
Son arrestation avait
été expressément ordonnée par Ismaël Omar Guelleh qui, depuis Rome où il se
trouvait, a donné des instructions précises en ce sens.
L'Association
Française des Amis des Démocrates de Djibouti dénonce ces procédés qui prouvent
que le pays n'est pas un état de droit.
La France qui a récemment
envoyé auprès du ministre de la justice de Djibouti un magistrat français
contribue à cet état de fait.
La convention franco-djiboutienne
de coopération judiciaire doit pouvoir être mise en place et respectée vis
à vis des droits de la défense, ce qui n'est pas le cas.
L'Association
Française des Amis des Démocrates de Djibouti appelle le gouvernement djiboutien
à libérer sans délai AREF et le gouvernement français à suspendre toute coopération
tant que les règles de droit n'auront pas été respectées.
La justice de Djibouti
a passé dans l'ombre de l'équité, le tout en présence
du conseiller technique, magistrat français, missionné par la France qui a
assisté au procès sans commentaire.
Aujourd'hui, les militants
des droits de l'homme sont dans l'attente des actions que le gouvernement
français et les instances internationales mettront en oeuvre pour parvenir
à la libération immédiate de Me AREF.
L'avenir démontrera leur réelle intention de faire avancer les droits de l'homme
et la justice.
Les prochaines élections
présidentielles auront lieu en mai 1999: le président actuel, fondateur de
la 1ère République, Hassan Gouled Aptidon, homme âgé, malade et sous influence,
a fait connaître son intention de ne pas se représenter.
Son neveu, en revanche,
Ismaël Omar Guelleh, proche du pouvoir, est pressenti pour devenir le prochain
président djiboutien à la suite d'élections factices.
Les chefs des partis d'opposition
sont en exil; ceux qui sont tolérés sur le territoire djiboutien ont été déchus
de leurs droits civils et politiques, sont illégalement arrêtés ou font l'objet
de menaces.
Aujourd'hui, Djibouti
se prépare à changer de président mais pas de régime: les dictateurs se suivent
et la politique liberticide et antidémocratique est maintenue.
Aujourd'hui
comme hier la France soutient ce qui a été fait et ce qui va se faire dans
ce pays.
La guerre est aux portes du pays; la révolte est aux portes de la capitale.
Des hommes libres et responsables tentent en vain de sauvegarder les illusions
de paix et de progrès qui ne se réaliseront que dans le cadre d'un processus
démocratique, multipartiste et libre.
La
paix est à ce prix. |