LE RENOUVEAU 353
DU DIMANCHE 02 AVRIL 2000
Organe d'information du PRD

Diffusion par l'ARDHD
Directeur de publication : Daher Ahmed Farah
Rédaction - Administration :
Edité par la Commission Communication du Parti
Avenue NASSER tel :35 14 74 B.P : 3570
Tirage : 1500 exemplaires . Dépôt Légal N°365

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LE RENOUVEAU

N° 353 DU DIMANCHE 02 AVRIL 2000


POLITIQUE



LE PEUPLE DJIBOUTIEN RESERVE UN ACCUEIL CHALEUREUX ET MASSIF AU PRESIDENT DINI


Début février 2000. La situation nationale est à tous égards préoccupante. La guerre civile se révèle bien difficile à éradiquer : les combattants du FRUD malmènent les troupes gouvernementales auxquelles ils infligent régulièrement pertes humaines et dégâts matériels.

Le pays est politiquement verrouillé comme au plus fort de la guerre froide : les droits de l'Homme, les libertés publiques et les règles démocratiques sont foulés au pied, l'opposition civile (regroupée au sein de l'Opposition Djiboutienne Unifiée : ODU) muselée et systématiquement réprimée à coups d'exactions et d'emprisonnements. Ce qui n'empêche d'ailleurs pas cette opposition d'être au fait de sa popularité.

L'économie djiboutienne se trouve aux prises avec une crise qui n'en finit point dont les racines résident dans la mal-gestion des affaires publiques et la défiance que manifestent les investisseurs crédibles face à un environnement national d'incertitude politique et de non-droit. Les graves difficultés financières de l'Etat, dont l'impact sur la vie économique nationale est à la mesure de son poids de premier agent économique et de plus gros employeur du pays, affectent des pans entiers de l'activité économique sous nos cieux. L'Etat insolvable ne contamine pas que ses agents, envers lesquels il accumule les arriérés de solde, mais aussi ses fournisseurs locaux et autres entrepreneurs travaillant pour le compte de l'administration. Le circuit économique propage les difficultés étatiques et les amplifie même par son effet multiplicateur. Le paysage économique s'en trouve singulièrement atrophié.

Or, les conséquences sociales d'un tel mal économique ne peuvent qu'être lourdes. Aux agents de l'Etat en situation de survie difficile du fait d'une solde à la fois drastiquement diminuée et en retard chronique de plusieurs mois (sept mois actuellement), s'ajoutent des cohortes de nouveaux chômeurs et autres entrepreneurs en faillite. Ce qui est des plus graves dans un pays où le chômage sévit à l'état endémique et où la solidarité (chaque salaire fait vivre du monde) n'est pas un vain mot.

En ce début du mois de février 2000, le pays vit donc une situation peu réjouissante. Une situation si préoccupante que le régime, ainsi pris au piège de sa propre logique fossoyeuse, s'attire la réprobation générale au niveau international. Les signaux rouges s'allument en effet dans tous les domaines : violations des droits de l'Homme, absence de démocratie, prisons emplies de détenus d'opinion, opacité de la gestion des deniers publics, tensions aux frontières, un plan de paix controversé pour la Somalie (lire notre article sur le sujet dans notre dernière édition)... bref la confiscation de l'Etat est clairement dénoncée et condamnée comme telle par la plupart de nos partenaires au développement. Tous expriment leur indignation à l'égard d'un régime dont l'anachronisme, à l'ère du village planétaire, d'Internet et d'une opinion publique mondiale sans cesse plus vigilante, ne peut que heurter les consciences. D'autant que le système sécrété par le régime djiboutien produit ses effets jusqu'à l'extérieur des frontières nationales où il ajoute à l'instabilité régionale.

Voilà, brossé à grands traits, dans quel contexte national survient l'accord-cadre du 7 février 2000 (salué par l'ODU comme une heureuse initiative) signé à Paris entre le gouvernement en place et le Front pour la Restauration de l'Unité et de la Démocratie (FRUD) dirigé par Ahmed Dini Ahmed, grande figure indépendantiste et ancien Premier Ministre de la République. Un homme d'Etat qui a une haute idée de la politique.

Surprise au pays où le commun des mortels n'a enregistré que durcissement dans le discours comme dans l'action du régime depuis que Monsieur Ismaël Omar Guelleh a succédé à Monsieur Hassan Gouled Aptidon. Soulagement surtout tant il est vrai que les Djiboutiens et Djiboutiennes sont plus que las de la guerre civile et des difficultés généralisées. Une lueur d'espoir s'allume à l'horizon, pense-t-on, avec cet accord-cadre qui correspond dans ses grandes lignes aux aspirations populaires. Cessation des hostilités, libération des prisonniers politiques, réhabilitations-indemnisations des victimes, réformes, démocratiques, décentralisation, création d'une cour de compte, sont autant de points majeurs pour le règlement de la situation de crise que traverse le pays. D'où également l'enthousiasme national qui se manifeste à l'annonce du retour du président Ahmed Dini Ahmed au pays.

A l'appel de l'ODU, dont le FRUD fait d'ailleurs partie à travers le FUOD, la capitale est donc en effervescence les jours précédant le retour, finalement fixé au mercredi 29 mars 2000, du président Ahmed Dini Ahmed. Les Djiboutiens se mobilisent sur l'ensemble du territoire national et convergent vers la capitale où les habitants vibrent à l'idée de pouvoir enfin s'exprimer sans avoir à subir, pensent-ils, les réflexes répressifs des forces de l'ordre. Mobilisation que le régime, l'on s'en doute, ne voit guère d'un bon œil. La perspective d'une expression nationale massive fait monter en lui l'adrénaline. Laisser déferler une marrée humaine sur les grandes artères de la capitale, laisser le peuple manifester dans la rue son ardent désir de changement, laisser accueillir aussi massivement que chaleureusement le leader de l'opposition armée (par ailleurs fort de l'unité de l'opposition), voilà qui ne peut que hérisser les poils chez les tenants du pouvoir autocratique.

La machine de propagande se met alors en branle. Tandis que la Radio Télévision de Djibouti (RTD), si prompte à chanter les vertus de la paix (pourvu qu'elle relève de la mise en scène) brille par son silence assourdissant, les agents de propagande distillent les mises en garde. " Le président Dini sera accueilli par le seul RPP, parti au pouvoir ", " L'on ne vous laissera pas sortir mercredi pour accueillir Dini", " Les forces de l'ordre sont en état d'alerte pour vous barrer le chemin "... les petites phrases intimidantes abondent. Elles vont crescendo à mesure que le retour tant attendu approche. De sorte que, joignant les actes aux paroles, le régime place ses forces de répression en état d'alerte dès mardi soir. " Nous avons ordre d'agir demain ", s'empresse de prévenir tel officier manieur de matraque, voyant les opposants parachever sereinement les préparatifs d'accueil.

Mais les opposants n'en ont cure. Ils ne se soucient pas outre mesure de l'attitude du régime. Ils sont sûrs de leur bon droit et foncent. Après tout, ils connaissent bien les agissements moyenâgeux du pouvoir pour les avoir subis tant et tant de fois.

C'est ainsi que, dès les premières lueurs du jour, les Djiboutiens jaillissent en masse de leurs habitations pour se jeter sur les axes menant à l'itinéraire routier emprunté par le président du FRUD et sa délégation : Route de l'Aéroport - Boulevard de Gaulle- Boulevard de la République- Avenue Maréchal Luyautey. Une véritable marée humaine se met en marche, slogans tout de maturité politique à la bouche et sur les banderoles : " Bienvenue au président Dini, un grand homme d'Etat " ; " Dini, l'homme de la paix et de l'unité, tu portes l'espoir de tout un peuple ", " Nous attendons des réformes démocratiques " ; " Sans paix civile, point de concorde ni développement " ; " Pour un Etat de droit et une société juste et fraternelle, démocratique et prospère ", etc. C'est toute la capitale qui s'anime d'un mouvement dont la majesté ramène l'auteur de ces lignes en arrière, en ces années 1975 et 1976 où, alors jeune homme, il ne manquait aucune manifestation pour une Indépendance qu'il ne pouvait se représenter autrement que porteuse de lendemains radieux. Un grand jour que ce mercredi.

Panique du côté du pouvoir. La propagande intimidante, en action à longueur de semaines et de jours, n'a pas produit ses effets. La dissuasion puérilement escomptée ne s'est pas réalisée. Que faire ? L'imagination étant ce qu'elle est en ces venelles poussiéreuses du pouvoir, l'on s'en remet à l'appareil répressif. Les forces de l'ordre entrent alors en action. " Chassez le naturel, il revient au galop ", n'est-ce pas ce que dit joliment le proverbe ?

Les voies de communication empruntées par la masse d'accueillants sont alors fermées. Le siège du PRD à l'Avenue Nasser, un des hauts lieux de la résistance civile, d'où le président Daher Ahmed Farah (DAF) n'a cessé de mobiliser pour l'accueil populaire, est assiégé, les accès des domiciles des président du FUOD Mahdi Ibrahim A. God et de l'ODU, Moussa Ahmed Idriss, interdits.

Déterminée, la marée populaire parvient quand même à ruser et passe à travers les mailles du filet gendarmo-policier. Se retrouvant massivement sur le lieu de rendez-vous. L'entrée de l'aéroport est noire de monde et la Route de l'Aéroport s'emplit progressivement en dépit de l'hostilité policière. Les accueillants vont jusqu'à feinter les forces de l'ordre en se transportant massivement sur la route de la Siesta aux lieu et place des Boulevards de Gaulle et de la République jugés par trop exposés aux coups de matraque et autres grenades lacrymogènes des détachements gendarmo-policiers. La jonction se fait ainsi avec les accueillants de l'Avenue Luyautey.

La mobilisation populaire est telle que gendarmes et policiers prennent à partie les accueillants à l'entrée de l'aéroport, les dispersant à coups de grenades lacrymogènes. Une ménagère du coin, au retour du marché, se retrouve à terre, son panier volatilisé, des mères de familles blessées dont les mères du président DAF, Amina Iyeh Doubad, et de Mohamed Houssein Ali, membre de la délégation du président Dini. Plusieurs accueillants sont interpellés par les gendarmes commandés par le jeune chef d'escadron Zakaria (récemment promu) dont l'ascension donne la mesure de sa fidélité au pouvoir. Ils ne seront relâchés que plusieurs heures plus tard pour certains, le lendemain pour d'autres.

Il n'empêche que les rangs des accueillants se reforment aussitôt, preuve de leur pugnacité. Si bien que le président Ahmed Dini Ahmed, que le Haut Conseil de l'ODU n'a pu accueillir à sa descente d'avion pour cause d'interdiction à l'aéroport, peut aisément noter la très grande mobilisation populaire et la chaleur de l'accueil réservé par un peuple assoiffé de paix, de concorde et de renouveau démocratique. Il salue de sa voiture cette marée humaine massée jusqu'à son domicile de la Siesta. Qui est littéralement inondé par une foule en liesse. A l'intérieur de sa demeure, il prend juste le temps de saluer membres de sa famille, du Haut Conseil de l'ODU et autres amis djiboutiens. Car il est très attendu dehors où a été installée une estrade. Il ressort et prend alors la parole pour remercier toutes et tous de leur accueil. Parlant de son retour au pays, après neuf ans d'absence, il déclare qu'il est venu pour l'application des termes de l'accord-cadre de Paris. Ce qui suppose la poursuite des négociations avec le pouvoir, le respect des premières dispositions de l'accord telles que la libération des prisonniers politiques encore détenus à la sinistre prison de Gabode et la levée de toutes entraves à la libre circulation des biens et des personnes au nord du pays. Ce qui implique également un dialogue politique national auquel doit participer l'opposition civile. Afin qu'enfin, pour reprendre la jolie formule du président Dini, la politique s'exerce de manière citoyenne dans ce pays.

Cette journée d'accueil s'achève par un déjeuner de retrouvailles à la ferme pionnière du premier vice-président du PRD, Mohamed Ahmed Kassim dit Haïssama, dont la générosité et la disponibilité ont été particulièrement utiles pour restaurer un nombre de Djiboutiens et Djiboutiennes bien plus grand que prévu. Car beaucoup, sans être invités, se sont laissés aller à la joie du jour, gonflant plus que de raison les rangs des convives. C'est en fait l'atmosphère de liesse populaire de la rue qui s'est transportée dans l'espace privé (et abondamment fleuri) du premier chef de corps et artisan de la gendarmerie nationale.

Grand jour donc que ce mercredi 29 mars 2000. Grand jour pour la paix, la concorde, la démocratie et le développement. Grand jour pour le pays. Il s'agit maintenant de ne pas manquer ce rendez-vous avec l'histoire : un pays, un peuple, un projet.

Le monde comme la nation regardent les décideurs. Et les jugeront. Sans complaisance.


ADMINISTRATION



ZOOM SUR L'ADMINISTRATION DJIBOUTIENNE A TRAVERS LE SORT RESERVE AU PERSONNEL DE L'ONAC



La liquidation, prononcée par décret présidentiel en date du 14 août 1999, de l'Office National d'Approvisionnement et de Commercialisation (ONAC), établissement public dont la mission était pourtant vitale dans un pays comme le nôtre qui importe la quasi-totalité des produits nécessaires à ses besoins, y compris les besoins élémentaires, cette disparition officialisée donc de l'ONAC plongeait son personnel (de plus de trente personnes) dans la détresse. Outre que cette mise en liquidation créait un grand vide, livrant les consommateurs que nous sommes à la merci des commerçants locaux dont la propension aux marges bénéficiaires excessives n'est que trop connue (situation facilitée par l'état quasiment monopolistique des marchés des produits de consommation courante où quelques importateurs se partagent les principales marchandises), elle s'abattait comme une épée de Démoclès sur le personnel. L'espoir caressé durant toutes ces années où l'ONAC agonisait par suite d'un mal appelé mauvaise gestion, s'est soudain brisé sous le choc de la terrible nouvelle. D'un instant à l'autre, des hommes et des femmes, de toutes catégories socio-professionnelles, pour la plupart en service depuis longtemps, se sont retrouvés sans ressources.


Par réflexe de survie, ils se sont adressés aux membres du gouvernement par un courrier en date du 8 septembre 1999 aux Ministre des Finances et de l'Economie nationale, chargé de la Privatisation, avec copie aux Premier Ministre, Ministre de Affaires présidentielles, Ministre de l'Emploi, Ministre du Commerce.

Ils exposaient leur situation et sollicitaient de l'attention. Ils pensaient que le gouvernement devait assumer ses responsabilités et trouver une solution. Dans le même mouvement, ils ont demandé de l'aide alimentaire au Ministre de l'Intérieur sous l'autorité duquel est placé " l'Office National d'Assistance aux Réfugiés et Sinistrés (ONARS) ". En vain. Aucune de ces démarches n'a pu aboutir :seule réponse, le liquidateur de l'ONAC, Monsieur Mohamed Sikieh Kayad, directeur des Affaires économiques au Ministère des Finances et de l'Economie, les informe de l'impossibilité du règlement de leurs indemnités, subordonné à la vente des actifs de l'ONAC qui, écrit-il, est en cours : au moment où nous publions cet article, la vente des actifs de l'ONAC est toujours en cours, les entrepôts sont utilisés par l'UNFD et certains de ses véhicules toujours en circulation.

Les agents de l'ONAC saisissent alors la Présidence de la République en écrivant directement à Monsieur Ismaël Omar Guelleh par courrier daté du 8 novembre 1999. Devant le silence, ils le relancent par une autre lettre, rappelant leur sort peu enviable. C'est alors que, le 27 janvier 2000, leur répond le Ministre des Affaires présidentielles, qui leur apprend que " le chef de l'Etat a expressément chargé le Ministre des Finances du règlement de la question ".

Fort de ces assurances, les employés de l'ONAC prennent de nouveau la direction du Ministère des Finances et de l'Economie, chargé de la Privatisation. Ils se heurtent à l'attitude qu'ils jugent peu apaisante du Ministre qui ne cache pas son agacement. Osent-ils insister qu'il s'en prend à leur représentant. Celui-ci y laisse d'ailleurs ses lunettes de vue, brisées au cours de l'empoignade ministérielle. Ne comprenant plus rien, ils se retournent vers le Chef de l'Etat, Ismaël Omar Guelleh, en lui écrivant de nouveau une lettre datée du 10 février 2000 où ils font état de leur déception, liée notamment à l'attitude du Ministre des Finances et de l'Economie nationale. Mention est même faite dans ce courrier du bris des lunettes du délégué du personnel de l'ONAC Monsieur Ali Hassan Aïnan. Cette correspondance est restée sans effet.

Devant cette situation, le personnel, désespéré, n'a pu s'empêcher de saisir à nouveau le Chef de l'Etat dans un courrier en date du 18 mars 2000 (lire en fin de journal). Dans cette énième lettre, il lui rappelle son sort déplorable. " Tous nos efforts et démarches, écrivent les employés de l'ONAC, pour faire valoir nos droits sont restés vains. Par conséquent, nos familles sombrent et vivent dans une misère et un dénuement indescriptibles ; nous sommes dans l'impossibilité de leur procurer jusqu'à la nourriture. Nos enfants connaissent une scolarité perturbée car affamés et en haillons ". Ils espèrent encore, sans trop d'illusions, une suite.

Voilà où en sont les agents de l'ONAC près d'un an après la mise en liquidation de l'établissement public qui les employait. Les difficultés rencontrées et le sort où ils ont été précipités témoignent de l'état de délabrement avancé de notre administration. Une administration et des décideurs devenus si prédateurs, si avides, que les malheurs des administrés leur indiffèrent. Tout le pays peut périr, cela leur importe peu. L'essentiel, c'est leur ventre. Se servir, non servir, voilà le mobile, visiblement le seul, qui les anime.

Les résultats n'en sont que catastrophiques. Comme nous les voyons au quotidien. Comme nous les subissons tous les jours. Comme l'illustre jusqu'à l'absurde la situation peu enviable du personnel de l'ONAC. Tel un arrêt sur image.

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