SURVIE
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Campagne en faveur
des prisonniers politiques qui croupissent
dans des cellules infâmes
parfois réduites à de simples toilettes à la turque, tel ce réduit où fut enfermé l'avocat Me Aref.

Comment participer

Certains sont gravement malades, ils réclament le respect de leur dignité et l'accès aux soins.
En leur refusant ces droits, Djibouti illustre le peu de cas qu'il fait des droits de l'Homme ; en soutenant ce régime la France s'en rend complice.

La grève de la faim entamée par ces prisonniers à Djibouti (et par leurs parents et amis à Paris et à Bruxelles) veut briser le mur du silence. Il est urgent d'exprimer notre solidarité avec les victi-mes de ce désordre établi - qui vous est décrit ci-après.

Comment participer à la campagne

1. Indiquez vos noms, adresse et signez les cartes pré-imprimées ci-jointes.
2. Renvoyez les cartes aussitôt que vous les recevez, au Président de la République (sans affranchissement), au Premier ministre et à votre député en les affranchissant au tarif en vigueur.
3. Renvoyez le coupon-réponse à Survie pour connaître les résultats de la campagne et pour commander de nouveaux jeux de cartes à diffuser dans votre entourage. Djibouti : parole de faim, terreur de clan, complices galonnés " Stratégique ", disent-ils!

Le territoire de Djibouti est un comptoir entouré d'un bout de désert, colonisé et délimité en 1896 sous le nom de Côte française des Somalis. Ce petit pays de 600 000 habitants n'a accédé à l'indépendance qu'en 1977. Il tourne autour du port du même nom, base militaire, logistique et commerciale à l'évident intérêt stratégique : face au détroit de Bab-el-Mandab, il contrôle l'accès des pétroliers au canal de Suez ; il recèle d'importantes ressources minérales et géothermiques ; il est la tête de ligne d'un chemin de fer et le terminus d'une route ouvrant sur l'Éthiopie - un pays cinquante fois plus vaste et cent fois plus peuplé que Djibouti.

L'Éthiopie est privée de toute façade maritime depuis l'accès à l'indépendance de l'Érythrée.

L'ex-comptoir français est devenu pour elle un débouché d'autant plus essentiel qu'une guerre s'est rallumée avec l'Érythrée, précarisant l'accès (plus direct) au port d'Assab. Dès lors, Addis-Abeba se pose en grand frère sourcilleux, doublant la tutelle très serrée que continue d'exercer la France. Ou plutôt son armée.

Car, sous les képis de l'état-major parisien, Djibouti de-meure perçue comme un enjeu stratégique : avec 3 000 hommes, elle reste la première base de l'armée française en Afrique, son principal relais vers le Moyen Orient et l'Océan Indien, un lieu de carrière exotique et accélérée 2... et même un terrain d'entraînement à bombes réelles pour ses avions 3.

C'est un pays plus facile à gendarmer que le grand Centrafrique, où pour cause d'"anarchie" les militaires français ont dû fermer leurs bases, et que le Tchad où ces bases ont été transférées.

Cela justifie que l'on choisisse un relais local efficace, un tyranneau qui, avec son clan, "tienne la baraque". Dût-on fermer les yeux sur ses méthodes dictatoriales, sur la corruption et la criminalisation croissantes, sur le délabrement de l'État. Et sur l'ethnisme en dérivatif ultime.

En "compensation", les dépenses de l'armée française représentent plus de la moitié du PIB djiboutien (une donnée que les statistiques de l'ONU laissent en pointillé... ).

Cet argent-là ne profite pas à tout le monde.

L'apport calorique par habitant, très faible, a baissé depuis l'indépen-dance. Et la ration quotidienne de protéines, descendue à 39 grammes, est l'une des plus maigres du monde.

Autocratie et apartheid Il était difficile à la France, au milieu des années soixante-dix, de conserver ouvertement une colonie en Afrique. Aussi poussa-t-on vers l'indépendance formelle, le "Territoire des Afars et des Issas". Comme son nom l'indique, ce territoire est habité par deux ethnies principales : les Afars, une popu-lation autochtone plutôt rurale, et les Issas, des Somalis cousins de ceux d'Éthiopie et de Somalie, venus progressivement s'établir dans la ville de Djibouti.

Cette bipartition aurait exigé un pouvoir partagé. Mais celui que l'on avait promu leader des Issas, Hassan Gouled Aptidon - grand ami d'une partie de la classe politique française, et de François Mitterrand en particulier -, inaugura l'indépendance en 1977 par un coup de force.

La Chambre des députés, présidée par le leader afar Ahmed Dini, l'élut consensuellement président de la République. Le poste de Premier ministre devait revenir à Dini. Or Gouled accapara aussi les fonctions de chef du gouvernement. Il lég-féra par ordonnances, et refusa pendant quinze ans de promulguer une constitution. La France cautionna la marginalisation des afars et l'installation d'une hégémonie issa - ou plutôt celle des Mamassanes, le clan de Gouled.

L'opposant Mohamed Kadémy résume parfaitement l'effet de cette domination interminable : " À l'heure actuelle, on parle beaucoup d'intégrisme religieux ; mais il n'y a rien de pire que l'intégrisme clanique. Il n'offre pas à autrui la possibilité de se convertir. À partir du moment où vous êtes né de l'autre côté, c'est définitif. Il est exclusif et destructeur. Seulement, lorsque l'on commence à détruire les autres, on se détruit soi-même ".

Bien entendu, les Afars étaient plus " détruits " encore, au sens figuré et parfois au sens propre, que les Issas non-Mamassanes. Après 14 ans de répression anti-afar et de torture banalisée 4, Ahmed Dini crée un Front pour la restauration de l'unité et de la démocratie (FRUD). Avec 10 000 combattants, essentiellement afars, il conquiert 70 % du territoire et s'apprête à conquérir la capitale. Me Antoine Comte, que la défense des victimes de la répression à Djibouti a familiarisé avec ce pays, résume la suite des événements : " L'armée française s'interpose, au nom d'intérêts préten-dus humanitaires - aller porter de l'eau, des aliments, des médicaments aux populations qui sont derrière la ligne de la guérilla -, mais elle poursuit en réalité un but totalement militaire. À l'abri de cette espèce de "ligne Maginot nou-velle manière", l'armée djiboutienne recrute en Somalie de nombreux mercenaires et quadruple ses effectifs [jusqu'à 20 000 hommes].

Mais, à la fin de l'année 1992, cette interposition cesse miraculeusement, alors que les conditions objectives qui avaient justifié sa mise en place n'ont pas cessé. Se produit alors une offensive de l'armée régulière qui, compte tenu de son renforcement, balaye la guérilla et la repousse vers l'Éthiopie. [Hassan Gouled songe enfin à mettre en place une Constitution, ultra-présidentielle.

Il organise des élections truquées, et procède à un véritable génocide tribal. Les gens sont massacrés par centaines, repoussés dans le meilleur des cas vers les frontières érythréennes, le régime dictatorial ayant toujours prétendu que le FRUD n'était pas djiboutien.

La répression est féroce : des témoignages de députés de la majorité attestent que les routes sont jonchées de cadavres. À travers cette opération militaire, on cherche à liquider une fois pour toutes l'opposition dans ce pays 5, et celle-ci étant en grande partie afar, à exterminer cette ethnie 6".

Tout ceci en présence de 5 000 soldats français d'élite, et parfaitement opérationnels - mais qui remisent leur propension "militaro-humanitaire" dès lors qu'un "protégé" de la France a des envies de nettoyage ethnique. Moins passi-vement, d'ailleurs, l'état-major tricolore à Djibouti renseignait le régime sur les positions du FRUD et dressait les plans de reconquête.

Notons que parmi les mercenaires recrutés par le clan Gouled, on comptait déjà des Serbes. Le considérable effort de guerre du président fut financé par les pétrodollars des monarchies du Golfe et le détournement des taxes portuaires.

Pendant ce temps, l'aide publique au développement française assurait les fins de mois de l'État djiboutien. En France, on parla fort peu à l'époque de la glorieuse manouvre en deux temps (interposition, puis éclipse) de l'ar-mée française. Celle-ci, il est vrai, ne jugea pas utile d'inviter autant de journalistes que pour l'opération Turquoise.

Plus généralement, elle semble avoir les moyens de faire respecter un théorème : le traitement d'un pays africain par les médias français est inversement proportionnel au nombre de militaires tricolores durablement stationnés dans ce pays. Pour parfaire le black out, les ONG françaises sont dissua-dées d'intervenir à Djibouti, alors qu'y abondent misère et pénuries.

De même, les avocats français sollicités par les opposants et victimes du régime sont désormais refoulés. Y compris Me Arnaud Montebourg, pourtant député et président du Groupe d'amitié parlementaire France-Djibouti 7 !

Faux dollars et fausse paix Plus une dictature vieillit, plus sa clientèle s'épaissit. Son train de vie augmente, et donc sa boulimie financière. Non content d'accaparer le produit des taxes sur le considérable transit éthiopo-djiboutien (troqué pour l'essentiel contre des armes et de l'équipement militaire éthiopiens), le clan au pouvoir s'est lancé dans toutes sortes de trafics.

C'est peut-être pour les avoir approchés de trop près que le magistrat français Bernard Borrel, coopérant judiciaire à Djibouti, a été étrangement "suicidé" le 19 octobre 1995. Il était de ces coopérants qui croient à ce qu'ils font - aider en l'occurrence au renforcement d'un État de droit.

Mais Djibouti n'en est pas un. Le "porte-avions" français se double d'un petit Panama. Le magistrat s'est retrouvé plongé dans un concentré de Françafrique : rivalités claniques locales sur fond d'opposition franco-américaine, excroissance des "servi-ces", "coopérants" hors-la-loi, Corsafrique casinotière, blanchiment d'argent sale, trafics de drogue et de faux-dollars, pédophilie et meurtres d'enfants.

La raison d'état-major tient Djibouti sous tutelle. Pour faire croire au "suicide" du juge trop consciencieux, elle a opéré tous les faux et manipulations nécessaires. Au point, un temps, de faire douter l'épouse, Élisabeth Borrel, elle-même magistrat.

Passée à la contre-offensive, elle a fini par obtenir la réouverture du dossier de la mort de son mari 8. Pendant ce temps, à Djibouti, la liste des prisonniers politiques ne cesse de s'allonger. Ils sont détenus dans des conditions épouvantables. Mi-1998, l'un d'eux est mort d'une grève de la faim pour qu'elles soient améliorées

9. Tous les efforts d'organisation de la société civile, notamment des enseignants, sont sabotés, les leaders menacés, arrêtés, ou contraints à l'exil. En même temps, à travers le ralliement de quelques person-nalités du FRUD, le pouvoir et ses relais extérieurs tentent d'accréditer la fin des hostilités.
Il est vrai que l'Éthiopie, qui a pris le parti de soutenir fermement le régime, n'hésite pas à lui livrer les opposants, ni même à combattre la rébellion en territoire djiboutien.
Mais on voit mal comment pourrait durer une "paix" excluant tous ceux qui n'appartiennent pas au clan dominant et refusent la logique clanique. Finalement, la base militaire de Djibouti s'apparente à un gisement de pétrole : c'est une rente étrangère dont la convoi-tise stimule la criminalité économique et politique.
Telle Shell au Nigeria ou Elf au Congo-Brazzaville, l'armée française n'envisage pas de se passer de son "gagne-pain", quitte à vali-der toutes les dérives d'une dictature cliente. La prolongation de cette dernière vient d'être assurée par l'élection-mascarade du successeur d'Hassan Gouled Aptidon : son neveu et ex-bras droit Ismaël Guelleh.
Une escadrille française a salué cette succession en battant des ailes au dessus de la capitale. Tout cela béni par le ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine : " Par l'aide qu'elle accorde à ce pays, la France entend ouvrer en faveur de la paix et du développement 10".

Quant à Jacques Chirac, il a chaleureusement félicité le nouveau chef de clan.

1. Pour l'essentiel, cette présentation est reprise du Dossier noir n° 12 d'Agir ici et Survie; La Sécurité au Sommet, l'insécurité à la base, L'Harmattan, 1998, p. 53-58.

2. L'actuel chef d'état-major Jean-Pierre Kelche (11/98), passé par Djibouti, est un exemple vivant de cet effet accélérateur.

3. A une dizaine de km au nord d'Obok. On y aurait même testé des bombes à effet de souffle, tuant du bétail, asphyxiant quelques vieil-lards et traumatisant des enfants. La population locale peut moins se faire entendre à Paris que les paysans du Larzac...

4. Quelques mois après l'indépendance (juin 1977), Me Antoine Comte reçoit des appels à l'aide : " Nous arrivons à Djibouti pour y découvrir que, pendant que les opposants sont torturés, les gendarmes français dressent les procès-verbaux dans les règles de l'art ". De Kigali à Djibouti, in Maintenant, 08/02/95.

5. Le 23 mai 1997, à Londres, la France a proposé que cette remarquable armée djiboutienne - qui, durant l'offensive anti-FRUD, fit preuve de tant de "retenue" à l'égard des populations civiles (elle a aussi commis de nombreux viols) - fournisse l'un des premiers contingents d'une future force interafricaine de paix (Libération, 06/06/97).

6. De Kigali à Djibouti, in Maintenant du 08/02/95. Les Nouvelles de la francophonie (04/95) ont parlé, à propos de ces massacres, de " germes de génocide ".

7. Cf. Ghislaine Ottenheimer, Le débouté de Djibouti, in L'Express du 16/10/97.

8. Cf. Mehdi Ba, France-Afrique, La coopération empoisonnée, in Le Nouvel Afrique-Asie, 07/97.

9. Cf. Jean Chatain, Djibouti. Depuis la nuit des prisons, un S.O.S., in L'Humanité du 03/06/98.

10. Réponse à une question écrite, Journal officiel du 14/09/98.

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Maître AREF, prisonnier politique ?

Liste des prisonniers politiques

Lettre de l'ARDHD
à M C. JOSSELIN

La torture à Djibouti
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Interview - Gouled APTIDON
Rapport Avocats sans Frontières
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Djibouti - un état de non-droit
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L'ARDHD
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Survie "Donner valeur de loi au devoir de sauver les vivants"
57, avenue du Maine - 75014 PARIS Tel : 01 43 27 03 25

Monsieur le Président de la République,

Ultra-dépendant de la France, financièrement et militairement, l'Etat de Djibouti est depuis son "indépendance" aux mains d'un clan qui bafoue la démocratie et, de plus en plus ouvertement, méprise les droits d'une grande partie de sa population.
La double grève de la faim, menée à Djibouti par des prisonniers politiques maltraités, et à Paris par leurs parents ou amis, interpelle la puissance "protectrice" : si la France n'est pas capable d'exiger de ce régime le minimum syndical des droits humains, elle pourra moins que jamais justifier sa présence en Afrique.

Monsieur le Président, vous ne pouvez rester sans réagir.
Avec notre haute considération,

Nom,
Prénom :
Adresse :
Signature :

FRANCHISE

POSTALE

 

 

Monsieur le Président de la République
Palais de l'Elysée
55 rue du Faubourg Saint-Honoré


75800 PARIS


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