Hommage à Ahmed DINI

Extrait des numéros spéciaux de "Réalités"
N°104 et N° 105

 

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Le contenu nous a été adressé par la LDDH à Djibouti :

1 - Extrait du numéro spécial de "Réalités", hebdomadaire d'information de l'ARD,
N° 104 du 15 septembre 2004

2 - Extrait du numéro de "Réalités", hebdomadaire d'information de l'ARD,
N° 105 du 22 septembre 2004

 

N° 104
LE COMBATTANT MEURT,

LE COMBAT CONTINUE

Débarrassons-nous de l'anecdote : même des dignitaires du régime ont tenu à marquer de leur présence les funérailles de notre Président, le regretté Ahmed Dini. Ce qui nous touche : la compassion est effectivement une valeur universelle. Toutefois, comme l'honnête homme, nous ne pouvons manquer d'émettre au moins une réticence qu'impose le bon sens : celle qui consiste à se demander comment peut-on tour à tour insulter la personne du vivant et saluer la mémoire du défunt ?

Car l'anecdote a sa morale : c'est peut-être ce qui explique que le parti au pouvoir ait en même temps assuré la sécurité policière du cortège funéraire en ce dimanche soir, tout en laissant sa télévision diffuser des chansons quelque peu déplacées.

Cette indécence festive officielle venant polluer des condoléances personnelles, donc sincères, montre dans tout son cynisme et dans toute sa mesquinerie le despotisme du pouvoir en place : il est futile de feindre regretter la disparition d'un tel homme d'Etat, hier présenté comme l'irréductible ennemi à abattre. Mais il ne s'agit pas de rêver : un dirigeant qui n'a d'Histoire qu'usurpée et extorquée n'a pas la grandeur nécessaire pour honorer comme il se doit, et comme l'avait souhaité nos concitoyens, celui qui a proclamé l'Indépendance de notre pays !

Eu égard justement à la profonde et unanime tristesse de nos concitoyens, rappelons l'importance cruciale du contexte dans lequel survient ce qui est véritablement vécu comme une tragédie nationale : l'horizon obscur de la prochaine élection présidentielle. La précipitation dans laquelle le régime a déjà concentré tous ses efforts vers cette échéance fondamentale suffit à démontrer qu'avant ce drame, il ne considérait nullement sa victoire acquise.

Car, entre un candidat à sa propre succession, réduisant la mission politique à une grossière comédie sur fond de distribution de khat, au passé connu de tous et au passif enduré par presque tous, et un leader indépendantiste unanimement considéré pour son engagement sans faille dans la construction d'une Nation Djiboutienne respectueuse de sa diversité, pour qui tout dirigeant digne de ce nom doit avant tout se respecter pour prétendre mériter la confiance de ses concitoyens, le verdict était indéniablement connu d'avance.

Si, toutefois, la volonté populaire n'était pas étouffée, comme dans le passé, par les différents baillons administratifs, militaro-policiers et constitutionnels.

Mais, Gloire à Lui, le Tout-Puissant qui prédétermine notre destinée en avait décidé autrement, et c'est ainsi la fin d'une époque qu'illustre si pitoyablement ceux du régime : celle où le chef charismatique guidé par ses convictions est prétendument supplanté par le caïd accidentel et le figurant circonstanciel. (Suite en page 4)

C'est pourquoi terminons par l'essentiel : contrairement a ce qu'a inconsidérément propagé une dépêche de presse complaisante et orientée vers la consommation externe, le regretté Ahmed Dini n'avait absolument pas été pressenti pour une quelconque candidature, ni par son parti, ni encore moins par l'opposition démocratique regroupée au sein de l'Union pour l'Alternance Démocratique.

Tout simplement parce qu'il y a une différence fondamentale entre compétition sportive et compétition électorale : contrairement à la première, il ne s'agit pas dans la seconde de tout juste participer, surtout quand il n'y a ni règles ni arbitre impartial. En clair, on entre dans l'arène politique pour gagner, pas pour être spolié !

Or, en l'état actuel de l'environnement institutionnel djiboutien, et considérant l'ampleur organisée et le caractère systématique des fraudes qui ont discrédité les dernières législatives de janvier 2003, rien ne pourrait justifier un changement miraculeux des fraudeurs patentés. Coupables de surcroît d'une inacceptable violation de l'Accord de Paix du 12 mai 2001 : le régime djiboutien voudrait être le seul au monde à consolider la paix en aggravant les causes du conflit civil.

Quand on ambitionne un destin politique, la première rigueur consiste à ne pas mentir à ses concitoyens, à ses sympathisants et à ses électeurs : puisqu'il est clairement établi que, dans le système tel qu'il s'impose aujourd'hui, seul l'ancien parti unique au pouvoir et ses alliés à géométrie variable peuvent remporter une consultation électorale quelle qu'elle soit, il est de notre devoir d'en prendre acte… en acte ! Et d'en informer toutes celles et tous ceux qui voient en nous une chance d'alternance démocratique pacifique.

Ce débat traverse l'opposition depuis quelque temps et la question devra être tranchée dans un proche avenir : il n'est pas sérieux de donner d'infondés espoirs lorsque la mécanique frauduleuse est si profondément implantée, qui plonge ses racines dans le déni des droits fondamentaux tels que la citoyenneté et le travail. Il faut donc impérativement définir la stratégie qu'implique la situation : si une vaste prise de conscience agissante de toutes nos concitoyennes et de tous nos concitoyens peut se dresser contre cette dictature sortie des urnes, il faut en définir les modalités pratiques, en procédant à l'évaluation la plus précise de toutes les variables à prendre en considération. Restons donc tous mobilisés et refusons la régression que ce régime prétend nous imposer !

Le seul fait de nous lire en cette douloureuse circonstance est la preuve la plus éclatante que, si le Combattant meurt, la Lutte continue. Nous en avons toujours été intimement convaincus et le sommes encore plus aujourd'hui.

Merci de nous en assurer.


LA NATION PERD
UN DE SES PLUS ILLUSTRES FILS
AHMED DINI AHMED
1932- 12 SEPTEMBRE 2004


Rappelé à Dieu le dimanche 12 septembre 2004, Ahmed Dini a rejoint sa dernière demeure accompagné par tout un peuple profondément attristé. En ces moments difficiles mais surmontables, nos lecteurs, amis et concitoyens ne trouveront pas dans nos colonnes une hagiographie de l'honnête combattant que fut notre maître et compagnon. " Réalité " rappelle sommairement le parcours exceptionnel d'un croyant engagé et d'un homme d'Etat.


" Quand le croyant parle, il entend dire la vérité, et quand on lui parle, il croit entendre la vérité " Cette phrase prononcée en octobre 2002 par le regretté Président de l'ARD pourrait résumer l'intensité de l'engagement politique de cet homme d'action au-dessus du commun des mortels, par la Grâce du Tout-Puissant.
Ahmed Dini aimait également à répéter : " Le faible est celui qui ment, pas celui auquel on ment "
Elevé dans une famille pieuse et lettrée, il a très tôt acquis le goût de la lutte et l'aversion pour toute forme d'injustice.


Arrivé très tôt dans la Capitale, son caractère batailleur le conduit tout naturellement au militantisme syndical, puis à l'action politique. Son combat politique commencé au début des années 50 lui permettra en 1959 de devenir, à l'âge de 27 ans, vice-président du conseil, la plus haute responsabilité accessible à un autochtone en ces temps.


En seulement treize mois de " pouvoir ", Ahmed Dini marque de son empreinte la vie politique nationale, en faisant de l'africanisation des cadres son principal cheval de bataille. L'administration coloniale réclame et obtient alors son limogeage en juin 1960. En démocrate convaincu, Ahmed Dini se retire élégamment après le vote d'une motion de défiance contre lui à l'Assemblée Territoriale.


De 1960 à 1970, il devient une personnalité incontournable connue pour sa combativité indéfectible et sa droiture morale. Ses passages aux affaires restent éphémères et remarqués, mais ce sont surtout ses longues périodes dans l'opposition à la direction de l'UDA qui feront connaître et apprécier l'homme de conviction que fut Ahmed Dini et qui lui vaudront sa notoriété nationale.


A partir de 1971, Ahmed Dini sera à la pointe du combat pour l'émancipation et l'unité nationale. La Ligue Populaire Africaine pour l'Indépendance (LPAI) qu'il dirige aux côtés de Hassan Gouled et du regretté Cheiko devient en 1975 le grand parti de masse avec lequel le pouvoir colonial sera contraint de négocier l'Indépendance de notre pays.


Ahmed Dini est ainsi le premier leader politique djiboutien à faire autour de sa personne une unanimité qui dépasse les clivages ethniques. C'est tout naturellement, qu'après le référendum du 8 mai 1977, il accède à la fonction de premier Président de la nouvelle Assemblée Nationale. A ce titre, lui échoit l'honneur historique de proclamer l'Indépendance de la République de Djibouti le 27 juin 1977 à minuit.


Devenu premier Premier ministre en juillet 1977, il démissionne de ce poste cinq mois plus tard pour marquer sa désapprobation avec les dangereuses dérives sectaires initiées par son pourtant ami et compagnon de lutte, le Président Hassan Gouled Aptidon.


Il entre alors en opposition et tente de créer un parti d'opposition véritablement national avec un vétéran de la lutte indépendantiste, Moussa Ahmed Idriss, épaulés par MM. Abdallah Kamil, Hachi Abdillahi Orah, Mohamed Saïd Saleh et tant d'autres. Ils seront tous emprisonnés pour être relâchés quelques mois plus tard, après l'instauration du parti unique.


Ahmed Dini se retire alors à Obock et assiste, pendant plus d'une décennie, à la destruction de notre pays. Ainsi, qu'il l'avait prévu et déploré dès sa rupture consécutive aux exactions de décembre 1977, c'est de là qu'il a suivi attristé les déchirements de l'année 1991.


Contraint en novembre 1991 de quitter sa ville entièrement désertée par ses habitants fuyant les exations gouvernementales, il s'est réfugié en décembre de cette année dans le nord d'Obock, en zone contrôlée par la rébellion du FRUD. Coopté à l'unanimité par le mouvement rebelle en janvier 1992, comme son porte-parole, Ahmed Dini s'est engagé à l'âge de 60 ans dans le combat pour la démocratie et l'égalité.


Une décennie d'exil après, le leader nationaliste a retrouvé sa terre natale en mars 2000, à la faveur d'un accord de paix signé le 7 février à Paris. Qui aboutira, après de difficiles négociations au cours desquelles il devra faire preuve de toute sa sagesse, pour éviter au pays un nouveau déchirement, à l'Accord de Paix du 12 mai 2001 signé à Djibouti et que le Chef de l'Etat s'était solennellement engagé à scrupuleusement respecter, tout en décorant Ahmed Dini de la plus haute distinction nationale.


La violation systématique et éhontée de cet Accord historique par la partie gouvernementale au plus haut niveau, a certainement et négativement pesé sur sa santé qu'avaient déjà fragilisée plus de deux décennies de trahisons et de reniements dont il fut victime.


La création de l'ARD, partie prenante de l'opposition nationale regroupée au sein de l'UAD, a été son ultime tentative pour œuvrer à l'édification d'une Nation Djiboutienne véritablement démocratique et enfin réconciliée avec elle-même.


Terrassé par la maladie, c'est enfin entouré de l'amour des siens, de la considération de ses compagnons de l'UAD et du respect unanime de ses compatriotes, qu'Ahmed Dini s'est éteint à Djibouti le 12 septembre 2004, sans avoir assisté à la concrétisation de ses idéaux, mais apaisé d'avoir tenté, jusqu'à la fin de ses jours, d'établir entre tous les Djiboutiens la Paix des cœurs comme le prône l'Islam.


Dini le mortel est parti, Allah l'Eternel reste !
Inna Illaah Wa Innaa Ilayhi Raaji'uun


MESSAGES ET TÉMOIGNAGES
Union pour l'Alternance Démocratique
(ARD, UDJ, MRD, PDD)


Au nom de l'Union pour l'Alternance Démocratique et en mon nom personnel, j'adresse mes condoléances les plus attristées à la famille de notre très regretté Président Ahmed Dini Ahmed. Homme de parole et combattant de la Liberté, Ahmed Dini Ahmed a toujours été en première ligne pour la défense des valeurs chères à tout peuple et à toute personne : la Justice, les Droits de l'Homme, la Liberté et l'Unité Nationale.
Pieux, l'Homme d'Etat que nous avons connu était une personnalité exceptionnelle.


A nos concitoyennes et concitoyens nous promettons que le Droit et la Justice vaincront l'arbitraire.
En ami convaincu de la justesse de son combat, je ne puis que garantir la poursuite du juste combat qui nous a unis, pour consolider les idéaux de Paix, de Justice et de Démocratie dans l'Unité retrouvée.
Qu'Allah l'abreuve en Son Paradis.


Pour l'UAD
Ismael Guedi Hared


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Front pour La Restauration de l'Unité et de la Démocratie
(FRUD)



C'est avec stupeur et grande tristesse que nous avons appris le décès de Monsieur AHMED DINI AHMED, intervenu dans l'après-midi du 12 septembre 2004.


Avec la disparition d'AHMED DINI, le pays perd un grand homme d'Etat qui s'est toujours distingué, en première ligne dans les combats pour les causes justes : comme l'Indépendance, la Démocratie et la Justice. Je sais pour l'avoir côtoyé quelque temps, son sens élevé de l'Etat, sa vaste culture et sa ferveur pour la religion musulmane qu'il pratiquait avec piété et humilité.


Je présente au nom du FRUD et en mon nom personnel nos condoléances les plus attristées à sa famille et à ses proches et à ses amis.


" INNA LILLAH WA INNA ILEYHI RAJIOUN "

Le Président du FRUD
Ali Mohamed Daoud


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Ligue Djiboutienne pour la Défense des Droits Humains
(LDDH)


La République a perdu, le 12 septembre 2004 vers 15 heures, un grand homme d'Etat, un sage et courageux patriote Ahmed Dini Ahmed. C'est au nom de la LDDH et en mon nom personnel que j'adresse mes sincères condoléances à la famille et aux proches du regretté Ahmed Dini Ahmed. Il fut, pour moi, un compagnon de lutte pour l'indépendance de notre pays. Porte-Parole et Directeur du journal " Le Populaire ", j'ai été, lors de ces heures glorieuses, son proche collaborateur en charge de l'administration du parti indépendantiste, la Ligue Populaire Africaine pour l'Indépendance - LPAI.


Puis, entre le 8 mai 1976 et le 27 juin 1977, c'est en tant que Secrétaire du Bureau de l'Assemblée Nationale, et sous la Présidence de Ahmed Dini Ahmed, Président du pouvoir législatif, que j'ai travaillé dans la commission mixte composée de la France et du gouvernement de transition.Toujours animé d'une intégrité intellectuelle et morale sans faille, Ahmed Dini Ahmed, une personnalité politique exceptionnelle, avec qui j'ai toujours entretenu d'excellentes relations était, à tous égards, le véritable Père de la Nation. Il était le principal artisan des textes fondamentaux de notre République et des Accords de coopération avec la France dans ces années-là.

Courageux, persévérant, ferme, dans ses décisions et brillant orateur (dans toutes les langues de notre pays), il fut celui qui avait réussi à mobiliser l'ensemble de la population djiboutienne, dans l'Unité, pour l'accession à notre souveraineté nationale et internationale. J'ai connu cet homme de parole qui a toujours respecté ses engagements dans la patience et l'abnégation. Fin négociateur, il avait réussi à mener avec doigté le long et difficile processus des pourparlers avec l'administration coloniale entre 1975 et 1977. Je rends ici hommage à mon compagnon, à l'homme d'Etat, au grand Homme qui m'a appris que la fermeté et l'intransigeance doivent toujours guider toute question relevant de la défense des Libertés et des Droits fondamentaux. Pour lui, ce n'était qu'ensemble que nous pouvions combattre avec efficacité en faveur du Bien-être de nos populations rassemblée contre l'arbitraire et l'injustice.


Depuis la création de la LDDH le 9 mai1999 jusqu'à la signature de l'Accord Cadre à Paris du 7 février 2000, grâce à ses impulsions démocratiques, à sa foi et ses convictions personnelles, il n'avait pas manqué, quelles que soient les circonstances, de consulter les Défenseurs des Droits de l'Homme de la LDDH, pour le respect des Libertés, sur toutes les questions relevant du respect des Droits de l'Homme, surtout en cette période difficile où les exactions sur les populations civiles du nord et sud-ouest étaient des pratiques régulières et courantes du régime, pratiques intolérables, insoutenables et inadmissibles.


Avec sa disparition, nous perdons aujourd'hui, le négociateur hors pair, actuellement le seul homme politique clairvoyant et soucieux de la promotion de l'intérêt général dans un pays qui sort d'une guerre fratricide de dix ans. Il appartient aujourd'hui à tout responsable politique et principalement au gouvernement de réaliser les vœux de notre regretté, compagnon et ami populaire, Ahmed Dini Ahmed : l'application effective des accords de paix du 12 mai 2001, car Ahmed Dini Ahmed n'a jamais failli à ses engagements.


Mon frère Ahmed Dini Ahmed, je peux t'assurer que le peuple est reconnaissant et compatissant.


Adieu frère Ahmed Dini Ahmed, que Dieu Tout-puissant garde ton âme en Paix. Amin

Le Président de la LDDH
Jean-Paul Abdi Noël


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COMMUNIQUÉ DE L'ARD


En cette douloureuse occasion qu'est la disparition d'Ahmed Dini, Père de la Nation, la Direction de l'ARD partage sa tristesse avec l'ensemble de la population djiboutienne.


La Direction de l'ARD remercie toutes ses concitoyennes et tous ses concitoyens pour l'émouvant hommage rendu à la mémoire du regretté Ahmed Dini et les exhorte à continuer son juste combat pour l'édification d'une Nation harmonieuse, juste et démocratique.


Enfin, la Direction de l'ARD demande à ses militants de rester mobilisés et de continuer les travaux au sein des annexes pour préparer le futur congrès du parti.


La Direction de l'ARD

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REMERCIEMENTS


La famille du regretté Ahmed Dini remercie toutes celles et tous ceux qui, par leurs messages, témoignages, prières, présence et soutien, lui ont témoigné leur sympathie en cette douloureuse circonstance.


Qu'ils trouvent ici l'expression de sa plus sincère gratitude.


Inna Lillaah Wa Innaa Ilayhi Raaji'uun


Au nom de toute la famille
Cassim Ahmed Dini




_______________ Fin Numéro 104 _________________ Haut de page ______________

N° 105

SOMMAIRE
1 - Editorial : Ahmed Youssouf, Président de l'ARD
2 - Hommage à Chehem Daoud Chehem
3 - Condoléances et remerciements
4 - Le dernier message politique de Dini
5 - Hommages et témoignages
6 - Ces enfants seront-ils des "Terroristes"?



EDITORIAL

1 - AHMED YOUSSOUF
PRESIDENT DE L'ARD



La finitude de l'être humain, le fait de se savoir inéluctablement condamné à la mort biologique, est une donnée anthropologique fondamentale, un invariant universel. Se sachant par définition de passage sur cette terre, et sachant par le Coran que biens et enfants ne sont que factices parures terrestres, l'individu respectueux du don de la vie à lui fait par Dieu tente, en stricte conformité avec les commandements religieux et moraux, de laisser une empreinte positive dans l'Histoire, en hommage à ses prédécesseurs, au service de ses contemporains et comme jalon pour les générations à venir.


L'Histoire coloniale a en son temps enregistré les sacrifices consentis par les ancêtres du regretté Ahmed Dini dans leur résistance aux Italiens et aux Français, tout comme l'Histoire contemporaine a retenu sa propre contribution à l'émancipation du Peuple djiboutien. Même si le sectarisme post-indépendance l'a empêché de consolider l'Unité d'une Nation dont il est le fondateur, en dépit de toutes les tentatives postérieures de manipulation, l'Histoire immédiate de ses contemporains lui reconnaît d'avoir toujours subordonné son action aux impératifs supérieurs de l'intérêt général.


Toutefois, pour que sa vision d'une société djiboutienne réconciliée avec elle-même et oeuvrant, harmonieuse, dans le sens de son Développement, puisse s'inscrire, pour pleinement se réaliser, dans une durée dépassant celle de son existence par définition trop courte, notre ancien et regretté Président se savait compter sur la détermination de celles et de ceux qui l'ont indéfectiblement soutenu dans l'exaltante construction de l'ARD, comme dans la consolidation de l'UAD. C'est avec fierté et humilité que la Direction du parti qu'il a fondé s'est immédiatement attelé à la mission historique qui lui incombe : démontrer jusqu'à la victoire que l'œuvre survit à son créateur et que chez nous, les personnes sont au service d'un idéal.


Tout naturellement donc, et conformément à nos Statuts, M. Ahmed Youssouf a été désigné Président de l'ARD en remplacement de M. Ahmed Dini. La simplicité de notre nouvel homme fort témoigne de ses convictions sans faille : il n'a jamais transigé sur ses principes, jamais confondu compromis et compromission. Son inébranlable détermination à poursuivre le Combat lui insufflera tant d'énergie, qu'avec l'aide du Très-Haut, il réussira dans sa priorité : mener ses troupes en rangs serrés au prochain Congrès de notre mouvement. C'est sous sa conduite que les responsables de l'ARD entameront, dès vendredi prochain, une tournée dans les annexes du Parti à Djibouti-ville d'abord, dans les districts de l'Intérieur ensuite.


Autant que la Nature, l'ARD a horreur du vide. Si le régime peut se permettre de laisser vacant plus d'un an le poste de Premier ministre, trahissant ainsi tous les déséquilibres qui le condamnent inéluctablement à la disparition, la dramatique urgence de la situation nationale intime à notre Président Ahmed Youssouf de ne ménager aucun effort en direction de toutes les régions de notre territoire et de toutes les composantes de notre Nation : un très proche avenir lui en sera reconnaissant. Il ne peut pas faillir à son Destin, dans l'intérêt général !
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2 - Hommage à Chehem Daoud Chehem
1932 - 15 septembre 2004



Trois jours après la disparition de notre Président Ahmed Dini Ahmed, la Nation djiboutienne, encore sous le choc, a été de nouveau ébranlée par la perte d'un autre grand homme en la personne de Chehem Daoud Chehem, combattant de la démocratie et illustre numéro deux du Frud-armé.


Issu d'une famille notable de la région de Tadjourah, le regretté Chehem Daoud faisait partie de cette génération de bâtisseurs qui auront marqué l'histoire de notre pays pour avoir forgé l'identité djiboutienne.


Entreprenant et intrépide, il entre très tôt dans la vie active et s'impose rapidement comme un homme d'affaires influent membre de la Chambre de Commerce de Djibouti.


Grand voyageur, chaleureux et polyglotte, il devient une des personnalités nationales les plus en vue dans les années 70 en tant que député et ministre.


Au lendemain de l'indépendance, il s'oppose à la politique du nouveau régime qu'il pressentait lourde de dérives sectaires et prend alors le chemin de l'exil, en Ethiopie puis en France.


C'est ainsi qu'en 27 années d'indépendance, notre regretté compagnon connaîtra par deux fois l'exil et n'aura vécu qu'une dizaine d'années dans sa patrie.


Peu avant le déclenchement de la lutte armée, accusé de soutenir activement le mouvement armé djiboutien, Chehem Daoud et trois de ses compagnons sont arrêtés et emprisonnés durant six mois en Ethiopie.


En reconnaissance de sa contribution à la lutte et aux souffrances endurées dans les sinistres geôles éthiopiennes, il est désigné par le mouvement rebelle en août 1992, comme son représentant dans les pays Arabes et Africains.


Ami intime et proche conseiller d'Ahmed Dini, son compagnon de lutte et d'exil, il est tout naturellement élu à la Vice-Présidence du FRUD-armé au troisième congrès de ce mouvement tenu dans le maquis en novembre 1997.


Pendant son exil en Europe, notre Vice-Président usera de toute son influence pour aider à l'installation des réfugiés et exilés djiboutiens en Europe et en Amérique.


La diaspora djiboutienne, à laquelle il avait tant apporté, a durement ressenti sa disparition et continue de faire parvenir de nombreux messages de condoléances à sa famille et à l'ARD.


Pour l'ARD, continuité historique du FRUD-armé et pour tous les militants de la démocratie, Chehem Daoud restera un des artisans de l'Accord-cadre de réforme et de Concorde civile signé à Paris le 7 février 2000.
Habile négociateur et fin connaisseur de la société djiboutienne, le dirigeant nationaliste sera accueilli en héros par la Nation djiboutienne toute entière en mars 2000 aux côtés du Président Dini. Les Djiboutiens n'oublieront pas également qu'hospitalisé pour de graves problèmes de santé à Paris, il a courageusement tenu à rentrer au pays pour honorer de sa présence la signature le 12 mai 2001 à Djibouti de l'Accord de paix définitive entre le gouvernement et le FRUD-armé.


Nos concitoyens gardent en mémoire la cérémonie émouvante au cours de laquelle il a été décoré aux côtés du Président Dini au Palais du Peuple.


Au nom de tous les militants de l'ARD, des anciens combattants du FRUD-armé, de la Direction du parti, de la Rédaction de Réalité, et en son nom personnel, le Président Ahmed Yousouf Houmed présente ses condoléances les plus attristées à toute la famille de Chehem Daoud Chehem.


Qu'Allah l'accueille en son Paradis éternel !


Amin.


INNA LILLAH WA INNA ILEYHI RAJI'UN.
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3 - CONDOLÉANCES ET REMERCIEMENTS

Condoléances du Parti Populaire Social Démocrate


Au Vice-Président de l'ARD
Ahmed Youssouf Houmed


C'est avec une réelle émotion que je viens d'apprendre le décès de M. Ahmed Dini Ahmed.


J'en suis peiné.


En cette pénible circonstance, permettez-moi de vous adresser au nom du Comité Exécutif du Parti populaire Social Démocrate (PSD), de l'ensemble de nos adhérents, militants, sympathisants et en mon nom personnel, nos condoléances les plus attristées.


M. Ahmed Dini Ahmed fut pour moi, non seulement un compagnon de lutte, mais un frère dont j'apprécie à sa juste valeur, ses qualités d'homme d'Etat et le rôle déterminant qu'il a mené pour faire de Djibouti une nation unie, libre, indépendante et indivisible.


Croyez bien que son action restera vivace et graver pour toujours dans nos mémoires.


Nous sommes de tout cœur avec vous en ces moments difficiles.


Avec ma gratitude, je vous prie d'agréer, Monsieur le Vice-Président, l'expression de mes pensées les plus dévouées.


Moumin Bahdon Farah

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Condoléances de la section Q4/Q6 du Mouvement pour le Renouveau Démocratique (MRD)
Le Vice-Président et le Trésorier de la section de base du MRD à Q4 et Q6, MM. Saïd Abrar et Mirgan Ali, se joignent aux habitants de leurs quartiers pour adresser leurs sincères condoléances à la famille, aux proches, aux compagnons de lutte de l'ARD et à l'ensemble du Peuple, à l'occasion du décès de notre regretté Président et Père de notre Nation, Monsieur Ahmed Dini Ahmed.


Papa Dini, nous resterons à jamais reconnaissants de ta générosité, ta sincérité, ta grande patience, ta longue et difficile lutte pour nous bâtir une vraie Nation. Vous avez été croyant, pieux, pratiquant, défenseur du Bien et des causes justes. Nous continuerons le combat jusqu'à la réalisation de vos vœux d'une totale alternance démocratique dans notre pays.


Inch Allah en 2005 " année de l'espoir " pour notre Peuple. Le combattant est mort, le combat continue. Papa Dini, repose en paix, au revoir au Paradis


Inna Lillaah Wa Inna Ilayhi Raaji'uun
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Remerciements du Président Ahmed Youssouf
Profondément touché par tous les messages de sympathie adressés à notre parti après le décès de notre Président Ahmed Dini Ahmed, le Président Ahmed Youssouf Houmed remercie toutes celles et tous ceux, personnalités nationales comme étrangères, diaspora djiboutienne comme société civile nationale, qui nous ont soutenus en cette triste circonstance.


Le Président de l'ARD
Ahmed Youssouf Houmed


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Remerciements de M. Mohamed Ahmed Kassim
Au nom de la famille du regretté Ahmed Dini, et en mon nom personnel, je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui, innombrables, nous ont témoigné leur sincère sympathie dans cette douloureuse épreuve.
Comme eux, je ne puis manquer de regretter, en tant que citoyen, que les médias d'Etat aient osé occulter la contribution inestimable du défunt à notre Histoire commune : la proclamation de notre Indépendance nationale après une lutte acharnée.


Mohamed Ahmed Kassim
dit Haïssama


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4 - LE DERNIER MESSAGE POLITIQUE DE MONSIEUR AHMED DINI

Jusqu'à son dernier souffle, le regretté Ahmed Dini aura été un combattant exemplaire. Le texte reproduit ci-dessous et publié dans Les Nouvelles d'Addis constituait sa contribution au colloque tenu à l'Assemblée Nationale française. Le thème central de ce colloque était l'examen des déboires démocratiques dans la Corne de l'Afrique


Colloque Les Nouvelles d'Addis - Les Verts/Paris, Assemblée nationale.
2 février 2004.


Message de M. Ahmed Dini Ahmed, ancien Premier ministre de Djibouti, président de l'Alliance Républicaine pour le Développement (ARD).


Monsieur Dini, souffrant, n'a pu participer aux travaux du Colloque du 2 février; il a adressé à l'Assemblée le message ci-dessous, transmis par Mohamed Kadamy.


Ahmed Dini est décédé le 12 septembre 2004 à Djibouti. Ce texte est son ultime message politique extérieur.
Cette salle a vu d'autres colloques pour débattre de sujets aussi sérieux qu'actuels, dignes d'intérêt. Mais celui qui nous réunit aujourd'hui est quelque peu différent par l'approche adoptée pour son organisation par ses initiateurs et par les thèmes choisis pour le débat.


Que les initiateurs soient remerciés pour l'immense effort consacré à l'organisation de ce colloque et tout spécialement le député Vert, Noël Mamère et le secrétaire transnational de ce parti, Patrick Farbiaz, Les nouvelles d'Addis et certains démocrates de la région.D'abord, l'avantage de l'approche adoptée permet ou permettra, je l'espère, des débats sereins, sans risque de voir s'instaurer des échanges acrimonieux entre les participants.


Ce qui aurait altéré la portée des idées débattues. Cela n'empêchera pas les nécessaires contradictions qui en enrichiront le contenu, il faut l'espérer. Quant aux thèmes choisis, sans prétention de viser à une portée académique tous les sujets importants, ils permettent cependant de couvrir certains aspects saillants qui nous posent problème, en tant que peuples de la région.


Ceci, bien entendu, découle de constats aussi multiples qu'irréfutables.


Or, que constatons-nous dans nos différents pays ?


L'existence des gouvernements en principe pour gouverner les pays, les diriger sur le développement général, en veillant à la création et au maintien des conditions favorables à ce développement général. Ce qui comporte nécessairement et notamment l'aménagement du pays, support et source des richesses nécessaires à l'amélioration générale des conditions d'existence des peuples. La réalité concernant le gouvernement met en évidence le peu de moyens mis à sa disposition qu'il consacre à réaliser les objectifs qui devraient être les siens, maintenant un état de sous développement généralisé, facteur essentiel dans sa politique visant à garder le pouvoir.


Aucune politique de dialogue avec son opposition ne lui paraît tolérable, ni même concevable.


Et lorsque ce dialogue s'amorce à l'initiative de l'opposition, dans de rares occasions dramatiques, les engagements pris sont bafoués par le gouvernement, sans possibilité de recours. En ce qui concerne l'opposition, tenue par le gouvernement en absolu ostracisme et mépris, n'ayant accès à aucune transparence pour s'informer et agir, elle se limite au rôle ingrat et apparemment négatif de critiquer. Ce qui parvient à sa connaissance, au risque de finir par ressembler à un unilatéralisme au pouvoir contre lequel elle lutte.


Que faire alors pour sortir de cette situation qui apparaît sans issue ?


C'est pour rechercher des éléments essentiels à ces difficiles questions que les thèmes de ce colloque ont été élaborés et soumis à nos débats ; tout en tenant compte du fait majeur que les peuples de la région ne seront pas les seuls concernés par les réponses qui seront trouvées, mondialisation oblige.
Ceci étant tellement vrai que la plupart des Etats de la corne de l'Afrique présentent des conditions géostratégiques de première importance, certains parmi eux comme Djibouti abritant à ce titre des bases militaires étrangères.


La Somalie, étant donné ses conditions internes, est soupçonnée à tort ou à raison, de représenter des foyers potentiels de problèmes régionaux. C'est pourquoi ce pays se trouve mis sous surveillance étroite par les grandes puissances, sur sa façade maritime, ce qui viole, en quelque sorte, sa souveraineté.
Les inconvénients émanant de la présence des grandes puissances dans certains pays, recouvrent parfois l'opposition aux intérêts bien compris des peuples de cette région.


Exemple, lorsque la diplomatie d'une grande puissance s'arrange pour faire participer des contingents militaires - forces de répression dans leur pays - aux forces des Nations Unies pour veiller à la légalité internationale, alors que le contingent constitue une force de répression aveugle chez lui.


Ou bien que cette même diplomatie insiste pour l'envoi comme observateurs d'élections à l'étranger d'agents qui pratiquent chez eux des fraudes électorales en faveur du pouvoir en place.


C'est le cas de Djibouti : Contingent militaire en Haïti, observateurs au Togo, en 2003.


Ceci pour démontrer que tout va bien à Djibouti.


Pour finir, je tiens personnellement à saluer parmi vous, Madame la Ministre des Affaires Etrangères du Somaliland, Edna Adan Ismaïl.

Ahmed Dini Ahmed
Paris, le 2 février 2004
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5 - HOMMAGES ET TÉMOIGNAGES

De très nombreux messages continuent d'affluer au siège de notre Rédaction et sur différents sites Internet.


Ne pouvant tous les publier, nous en reproduisons ici ceux qui nous semblent les plus significatifs, dont un leimotiv se dégage : poursuivre le combat politique.

Nous essayerons d'être fidèles à tes idéaux de justice et de liberté.
Mohamed Kadamy Youssouf


Nous sommes sous le choc de la disparition prématurée de Ahmed Dini "Hamza".


J'adresse mes condoléances les plus attristées à sa famille. Je m'associe à la peine de ses nombreux amis et des milliers de personnes qui ressentent douloureusement son décès.
C'est une immense perte pour les démocrates djiboutiens, l'ensemble du peuple de Djibouti et pour toute la région.


Nous perdons :
" Un homme de principe d'une intégrité morale exceptionnelle (chose rare en politique)
" Un militant qui a lutté jusqu'au dernier souffle de sa vie pour la liberté et la justice
" Un dirigeant qui a accepté d'assumer la responsabilité d'un front armé à l'âge où d'autres prennent leur retraite
" Un homme d'Etat qui, pour donner une chance à la paix, face à l'intransigeance du pouvoir djiboutien, n'a pas hésité à sacrifier certaines revendications malgré l'opposition de ses meilleurs compagnons.


Vivant, il a été de tous les combats pour la justice et la démocratie ;


Mort, Ahmed Dini restera dans les cœurs de centaines de milliers de personnes comme un symbole de résistance à toutes les injustices.


Le meilleur hommage que l'on puisse rendre à cet homme exceptionnel, c'est de permettre à son pays d'emprunter la voie de la démocratie. A son école, nous avons appris à ne pas nous résigner à l'injustice.
Nous essayerons d'être fidèles à tes idéaux de justice et de liberté, Hamza.

Adieu Hamza…


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Un homme qui a épuisé ses dernières forces à éradiquer la dictature djiboutienne
Ali Coubba



Reims (France), le 14 septembre 2004.- La disparition d'Ahmed Dini est bien entendu un drame pour sa famille. Avant tout, je tiens à présenter mes condoléances à ses enfants et à ses proches. Né en 1932 à Mèle (district d'Obock), il disparaît à 72 ans, au moment où il incarnait la dernière chance d'alternance démocratique pour son pays.


Plus qu'un simple responsable politique, Ahmed Dini faisait partie de ces hommes " sur qui la société repose" . Ses moindres propos étaient commentés à travers le pays, suscitant ici l'admiration, là la haine. Il avait le don, le génie, des formules frappantes auxquelles l'opinion publique adhérait spontanément. Pour fustiger la fraction du FRUD qui prit la partie de négocier avec le régime en 1993, il lance en 1994 le terme Agabaa.


Le décès brutal de l'ancien Premier ministre de Djibouti (de juillet à décembre 1977) n'endeuille pas seulement sa famille. Elle plonge dans la consternation tous ses concitoyens (Afars, Somalis et Arabes).


Au-delà de sa patrie, le triangle Afar peut pleurer légitimement ce "fils" prodige.


Cet été, des nouvelles contradictoires circulaient sur l'état de santé d'Ahmed Dini. Nombre de nomades et de citadins que j'ai croisés, en Ethiopie, désiraient lui témoigner leur compassion.


Ahmed Dini était un homme pieux, très versé dans le domaine religieux. Tout aussi immense était son érudition en matière de la culture afar. Sa famille appartenait à la plus prestigieuse et la plus ancienne dynastie sultanique afar : Ad'ali ou Adal. Pourtant, la postérité ne retiendra de lui qu'une seule image : la figure attachante du dirigeant politique.


Son éloquence fiévreuse et litanique (propre à la culture afar et somali), émaillée d'ironie et de séduction, galvanisait des foules. Dans un pays manquant cruellement de culture politique, il n'a jamais pu donner toute la mesure de son génie. C'est pourquoi, parfois incompris, il était capable de prendre le parti de se "taire". Ce qu'il fit de 1977 à 1981, puis de 1982 à 1991, en s'exilant à Obock, dans le nord du pays.


L'avènement du FRUD, en 1991, allait transfigurer ce politicien singulier et le propulser de nouveau au devant de la scène politique. Son tempérament naturel le poussait davantage à séduire qu'à convaincre son interlocuteur. C'est pourquoi il sera regretté et par ses amis et par ses adversaires. A cause de sa propension à vouloir concilier croyances religieuses et convictions politiques, de la trahison de ses " amis " et de ses volte-face brusques, Ahmed Dini a manqué beaucoup de rendez-vous. En dehors d'une brève vice-présidence de 1959 à 1960, des fonctions de ministre et de député (de 1963 à 1973), et enfin de la primature en 1977 (de juillet à décembre), il n'a jamais occupé la première place.


Pourtant, il en avait le profil, la pondération et la maturité. Entre lui et la magistrature suprême, la distance fut souvent petite. Mais le destin a voulu qu'il s'en approche souvent sans jamais pouvoir le saisir. Nul doute qu'il aurait donné une notoriété enviable à notre petit pays !


Pour ma part, je garderais du défunt l'image d'un homme qui a épuisé ses dernières forces, entre 2001 et 2003, à éradiquer la dictature djiboutienne. Une dictature archaïque et moyenâgeuse. Sa vie se confond quelque part avec l'histoire de son pays. Animée de grandes espérances, mais si souvent contrariée.
L'ultime hommage qu'on pourrait lui rendre ne serait-il pas de réaliser son combat inachevé ?


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Ahmed Dini :
Homme d'épée, Homme de paix
Maki Houmedgaba
Représentant de l'ARD en France
(13 septembre 2004).


Né en 1932 à Obock dans la première capitale de la future Djibouti, Ahmed Dini Ahmed aura tout donné pour son pays. Père de l'indépendance nationale, homme d'Etat et homme de culture, la personnalité immense de Monsieur Dini a couvert de son ombre toutes les générations d'hommes politiques djiboutiens, comme elle a tracé les sillons de toutes les carrières politiques et administratives nationales depuis 50 ans.


L'honneur revient aux Djiboutiens dans leur ensemble d'avoir un jour compté un homme de cette graine parmi eux. C'est toute la nation djiboutienne qui est désarmée face au défi du vide sidéral laissé par cette disparition.
L'honneur revient aussi à l'opposition djiboutienne regroupée au sein de l'Union pour l'alternance démocratique (UAD) qui l'avait élevé à sa tête, ainsi qu'aux militants de l'Alliance Républicaine pour le Développement (ARD) qu'il présidait.


Les centaines de condoléances reçues par la famille et par les militants du parti donnent la mesure de la reconnaissance des Djiboutiens pour la lutte menée par leur père à tous. Et la seule manière de persévérer est encore d'être digne de lui, et digne du combat qu'il a légué.


En revanche, l'horreur dans toute sa froideur, orne aujourd'hui les visages de l'ancien président Hassan Gouled Aptidon et de son successeur Ismaël Omar Guelleh qui ont, tour à tour, misérablement trahi la confiance placée en eux et la main tendue par M. Dini pour construire ensemble une nation unie et démocratique.
Hélas, Djibouti a perdu son premier citoyen et son premier modérateur, et court désormais le risque d'un embrasement sans fin des cœurs et des esprits.


Il faut se le dire simplement. L'injustice et les frustrations sont si grandes à Djibouti que, si nous ne nous inspirons pas de M. Dini, nous risquons de compter les morts à Djibouti.

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6 - CES ENFANTS SERONT-ILS DES " TERRORISTES " ? OBOCK : L'AVENIR DÉSESPÉRÉ

Cet article est tout d'abord parti d'une question accablante, dressée par le Président de la Ligue Djiboutienne pour la Défense des Droits

Humains (LDDH) : comment le régime djiboutien et certains donateurs extérieurs osent-ils impunément et toute honte bue prétendre avoir réhabilité pour à peine un million de nos francs une salle de classe à Médého ?

Quand on sait que le régime dépense beaucoup plus dans la plus petite de ses distributions électorales de khat, le constat a de quoi être alarmant : la communauté internationale contribue à sa manière à la consolidation de la mauvaise gouvernance et à l'oppression des peuples, et subsidiairement à la dilapidation des deniers publics prodigués par certains peuples européens démocratiquement plus avancés. Pour vérifier de visu la situation dans une de ces zones dévastées par le conflit civil, M. Jean-Paul Abdi Noël, le Président de la LDDH, a tenu à se rendre lui-même sur place pour mesurer l'ampleur du chantier. De ce carnet de voyage, il a ramené une discussion à bâtons rompus avec les plus jeunes citoyens de cette portion de notre territoire national.

A nos concitoyens de lire avant tout ce témoignage, en gardant à l'esprit ce lucide constat du Président Bush selon lequel il convient, pour durablement combattre le terrorisme international, d'en éradiquer les racines : celles qui nourrissent le désespoir de l'être humain. Voici, en toute simplicité, ce que les jeunes écoliers et collégiens d'Obock ont tenu à raconter.

Ali : On vient nager tous les jours car, à part jouer au foot par cette chaleur étouffante et dans ce khamsin, il n'y a aucune autre distraction ici : pas de salle de cinéma, la maison des Jeunes toujours fermée depuis longtemps, aucune salle de lecture, rien ! C'est complètement mort ici. Même en période scolaire, il n'y a rien pour se distraire. D'ailleurs, c'est même difficile de tout simplement s'instruire car, la plupart du temps, la centrale électrique est en panne : demandez aux autres écoliers citadins comment ils feraient s'ils étaient obligés de faire leurs devoirs le soir chez eux à la lueur d'une lampe.

Ahmed : Ne pensons pas qu'à nous-mêmes. Moi, ce qui me chagrine aussi, c'est que cette année, aucun écolier d'une école de notre brousse n'a passé son entrée en sixième, comme si le CM2 n'existait plus là-bas. Je crois que dans notre district, il y a au moins si autres écoles en dehors d'Obock, je ne comprends donc pas pourquoi aucun écolier n'en est venu pour passer son entrée en sixième. C'est grave et personne ne s'en soucie.

Mohamed : C'est peut-être un problème de transport. Toutes les pistes en brousse sont fichues depuis la guerre et en plus il y a très peu de 4x4 qui circulent dans notre région. Peut-être parce que les gens sont devenus tellement pauvres à cause de cette guerre qu'ils n'ont plus les moyens de louer un 4x4 pour amener les provisions qu'ils viennent acheter à Obock.
En plus, depuis que le bac est tombé en panne, les boutiques d'Obock sont souvent vides. Alors, beaucoup de gens qui habitent en brousse préfèrent aller avec leurs chameaux se ravitailler à Tadjourah, surtout ceux qui vivent autour de Mabla.


Hassan : Justement, moi j'ai de la famille à Mabla et j'aimerais bien y aller. Le problème, c'est que je ne trouve aucun 4x4 pour m'y emmener. En plus, mon père manifeste tous les jours devant le bureau du chef du district car on lui refuse sept mois de salaires…

Ahmed : C'est vrai ! Toute la ville est au courant. C'est injuste. Ils sont une vingtaine de coolies et de cantonniers auxquels le gouvernement refuse sept mois de salaire alors qu'ils ont travaillé dur. La politique, c'est vraiment méchant !

Hassan : Il paraît même qu'une parente de l'un d'eux a été récemment ramenée de la brousse parce que sa grossesse se passait mal. Eh bien, je vous jure qu'il a fallu se cotiser pour acheter le gasoil pour l'ambulance ! D'ailleurs, c'est toujours comme ça que ça se passe : si on ne paye pas le gasoil, pas d'ambulance. Mais il paraît que c'est aussi comme ça dans tous les autres districts du pays, sauf dans la ville de Djibouti.

Mohamed : Mais les choses sont plus graves à Obock. La ville a été détruite pendant la guerre. Le gouvernement nous a fait beaucoup de promesses. Le Président de la République a même apporté des sacs de ciment pour commencer à reconstruire, mais tout a disparu mystérieusement sans qu'aucune maison n'ait été bâtie avec. Maintenant, il paraît que les Européens ont donné beaucoup d'argent au gouvernement pour reconstruire les maisons détruites, mais on le donne parfois à des habitants dont la maison n'a pas été détruite. En plus, je ne comprends pas pourquoi les Européens veulent qu'on habite dans des maisons aussi petites, qui n'ont qu'une seule chambre pour dormir. Je ne sais pas si les maisons sont aussi petites que ça en Europe. Je me demande où les enfants dormiront quand il pleut : peut-être dans la cuisine où les WC ; en tout cas, la véranda n'est pas couverte. Je sais qu'il ne pleut pas souvent chez nous, mais ce n'est pas une raison pour construire des maisons qui n'ont qu'une seule chambre à coucher

Ali : En plus, ce n'est pas totalement gratuit, parce que le gouvernement demande aux gens de payer eux-mêmes une grande partie des travaux de construction. Ici, les gens qui travaillent ne sont pas nombreux, c'est pour cela qu'il n'y a aucune banque dans notre ville.
Alors, je ne sais pas comment les gens pourront payer leur part pour avoir ces nouvelles maisons, si petites, si minuscules.


Hassan : Excusez-moi, mais je dois vous quitter. Il est l'heure d'aller prier et je dois ensuite apporter à manger à ma tante qui est hospitalisée au dispensaire depuis avant-hier.
La pauvre, je ne sais pas comment elle fait pour dormir le soir, avec tous ces moustiques, parce que la plupart du temps, il n'y a pas d'électricité à cause de la centrale qui tombe toujours en panne. Le médecin et les infirmiers sont bien sympa, mais ça ne suffit pas pour soigner tous ces pauvres malades.