30/03
REPORTERS SANS FRONTIERES
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Communiqué de presse
Paris, 30 mars 2000
Sommet
Afrique - Europe
sous l'égide de l'Organisation de l'unité africaine
et de l'Union européenne
Le Caire - 3
et 4 avril 2000
Vingt-deux pays qui participent
au Sommet Afrique - Europe
ne respectent pas la liberté de la presse
Sur les cinquante-trois
Etats africains qui participent au premier Sommet Afrique - Europe,
vingt-deux violent la liberté de la presse : l'Algérie,
l'Angola, le Burkina Faso, le Cameroun, Djibouti,
l'Egypte, l'Ethiopie, le Gabon,
la Guinée équatoriale, le Kenya, la Libye, la Mauritanie,
le Nigeria, la République démocratique du Congo, le Rwanda,
la Sierra Leone, le Soudan, le Swaziland, le Togo, la Tunisie, la Zambie
et le Zimbabwe.
Si, dans ces
pays, les atteintes à la liberté de la presse ne sont
pas toutes de la même gravité, ces régimes ont en
commun de ne pas respecter la Charte africaine des droits de l'homme
et des peuples ou le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques. Or, tous ces pays ont ratifié au moins l'un de ces
deux textes.
Vingt-trois journalistes
sont actuellement emprisonnés dans dix de ces pays
Huit
journalistes sont emprisonnés en Ethiopie, faisant de ce pays
la plus grande prison du continent pour les journalistes.
Quatre d'entre
eux sont détenus depuis 1997. Ils ont été condamnés
et emprisonnés pour des délits de presse mais sont également
inculpés de "participation à un mouvement terroriste".
Ils n'ont toujours pas été jugés dans le cadre
de ces affaires. Ils risquent une peine de quinze ans de prison.
Au Rwanda, Dominique
Makeli, journaliste de Radio Rwanda, a été arrêté
en 1994. Accusé par le gouvernement d'avoir participé
au génocide, il est détenu à la prison de Kimironko,
à Kigali. Trois autres de ses confrères sont dans la même
situation. Aucun d'entre eux n'a encore été jugé.
En Egypte, deux journalistes sont emprisonnés, dont l'un depuis
1993. La loi d¹urgence, en vigueur depuis 1981, est régulièrement
invoquée pour réprimer les journalistes de la presse islamiste.
Par ailleurs, la loi sur la presse rend passibles les délits
de presse - tels que la diffamation - de peines pouvant aller jusqu¹à
deux ans de prison.
En République démocratique du Congo, Freddy Loseke a été
arrêté le 31 décembre 1999. Il est resté
enfermé plus de deux mois dans un cachot militaire avant d'être
transféré à la prison centrale de Kinshasa. On
lui reproche d'avoir affirmé qu'un coup d'Etat se préparait
contre le président Laurent-Désiré Kabila. Un autre
journaliste est retenu à Lubumbashi (sud du pays) dans les locaux
des services de sécurité.
Enfin, la Libye détient le triste record du plus ancien journaliste
emprisonné dans le monde : Abdullah Ali al-Sanussi est incarcéré
sans inculpation ni procès depuis 1973.
D'autres journalistes sont détenus en Angola, au Cameroun, au
Gabon, au Nigeria et en Tunisie.
Plus de cent
cinquante journalistes arrêtés en moins de dix-huit mois
Depuis le 1er janvier 1999, plus de cent cinquante journalistes ont
été, à un moment ou à un autre, emprisonnés
dans l'un de ces vingt-deux pays.
A eux seuls, l'Angola et la République démocratique du
Congo ont envoyé derrière les barreaux plus de cinquante
professionnels des médias. A Luanda, nombre d'entre eux ont été
incarcérés plusieurs jours, voire plusieurs semaines,
pour avoir critiqué le président Eduardo dos Santos. Rafael
Marques, par exemple, a passé plus d'un mois en prison pour avoir
affirmé que le chef de l'Etat avait une responsabilité
"dans la destruction du pays et la promotion de la corruption".
A Kinshasa, depuis la prise du pouvoir par Laurent-Désiré
Kabila, en mai 1997, près d'une centaine de journalistes ont
été incarcérés pour de plus ou moins longues
périodes, souvent sans aucune explication. D'autres ont été
maltraités et brutalisés. Certains ont même été
fouettés au "prorata de leur âge et de leur poids".
Au Nigeria, si la situation s'est améliorée par rapport
aux années noires du régime Abacha, les journalistes sont
régulièrement interpellés par les autorités.
En 1999, près d'une vingtaine d'entre eux ont été
arrêtés dont certains pendant plusieurs jours
dans différents Etats du pays. Les autorités locales,
moins tolérantes, n'hésitent pas à s'en prendre
à la presse.
Au Soudan, en septembre 1999, le président Omar El-Bechir a lancé
de nombreuses attaques contre la presse indépendante qu¹il
accuse de servir "le parti de Satan, des athées et agents
de l¹opposition". Les interpellations de journalistes se sont
multipliées : on en dénombre déjà six depuis
le début de l¹année 2000.
Au Kenya, en Zambie et au Zimbabwe, des journalistes ont été
incarcérés par les autorités pour des affaires
de presse. Ils ont tous été libérés sous
caution même s'ils sont toujours poursuivis. Ils peuvent, à
tout moment, être arrêtés et condamnés à
une peine de prison.
Au Togo, deux journalistes ont été arrêtés
en 1999. Ils sont restés plus d'un mois en prison, accusés
de "propagation de fausses nouvelles". Par ailleurs, le Togo
a rétabli les peines de prison pour les délits de presse.
Il était l'un des rares pays du continent à les avoir
remplacées par des peines d'emprisonnement assorties de sursis
ou des amendes.
Quinze journalistes
assassinés depuis le 1er janvier 1999
En 1999, dix professionnels de la presse ont trouvé la mort en
Sierra Leone. Si les autorités ne sont pas responsables de ces
assassinats, aucune enquête sérieuse n'a été
menée pour retrouver et punir leurs responsables. Huit journalistes
ont été assassinés par des rebelles du Front révolutionnaire
uni (RUF) qui siège maintenant au gouvernement. Un autre journaliste,
Abdul Juma Jalloh, a été abattu, le 2 février par
des soldats de l'Ecomog (Force ouest-africaine de maintien de la paix).
Enfin, Conrad Roy, de l'hebdomadaire Expo Times, est mort à l'hôpital
de Lakka le 26 avril 1999. Il était détenu depuis février
1998 suite à des accusations de "complicité avec
les rebelles". Selon plusieurs sources, les autorités auraient
refusé de fournir des médicaments et empêché
sa famille de le secourir. Malgré les demandes de plusieurs organisations
internationales, les autorités n'ont jamais fourni d'explications
sur les circonstances de la mort du journaliste.
Au Burkina Faso, le 13 décembre 1998, Norbert Zongo, le directeur
de l'hebdomadaire L'Indépendant, a été trouvé
mort, en compagnie de trois autres personnes, dans son véhicule
carbonisé, à 100 km au sud de Ouagadougou. Le 7 mai 1999,
une commission d'enquête indépendante affirmait que Norbert
Zongo avait bien été assassiné et qu'il fallait
"chercher les mobiles de ce meurtre du côté des enquêtes
menées par le journaliste et notamment sur ses récentes
investigations concernant la mort de David Ouedraogo, le chauffeur de
François Compaoré, le frère du chef de l'Etat".
Le rapport de cette commission cite le nom de six militaires de la garde
présidentielle qu'il qualifie de "sérieux suspects".
Au 1er avril 2000, aucun de ces militaires n'a été mis
en examen dans le cadre de l'affaire Zongo et le frère du Président
n'a toujours pas été entendu par le juge d'instruction
en charge du dossier.
Quatre autres journalistes ont trouvé la mort en 1999 au Nigeria
et en Angola.
Des journaux
contraints de disparaître, d'autres suspendus
Dans beaucoup de pays, les journalistes subissent des pressions du gouvernement.
Au Gabon, plusieurs d'entre eux ont préféré quitter
le pays pour éviter d'être emprisonnés, entraînant
ainsi la disparition de deux journaux satiriques, La Griffe et La Cigale
Enchantée.
A
Djibouti, les derniers journaux d'opposition ont été suspendus
en 1999. Au 1er avril 2000, seul le quotidien gouvernemental La Nation
continue de paraître.
En Guinée
équatoriale, les deux journaux privés autorisés
par les autorités en 1999 ne paraissent toujours pas. Les habitants
sont obligés d'écouter les radios étrangères
pour s'informer autrement que par la voie officielle. Au Swaziland,
la fermeture, en février 2000, du quotidien Swazi Observer, a
révélé l'emprise du roi sur les médias de
son pays. Seuls les organes gouvernementaux (quotidien, radio et télévision)
continuent d'informer la population locale.
En Afrique du Nord, la situation est loin d'être meilleure. En
Tunisie, il n¹existe aucune liberté de la presse. Les journaux,
qu¹ils soient privés ou publics, sont soumis à la
censure, même lorsqu¹il s¹agit de sujets éloignés
des enjeux du pouvoir (environnement, patrimoine culturel...). Les rares
journalistes qui font preuve d¹indépendance, comme le correspondant
du quotidien français La Croix, Taoufik Ben Brick, le paient
cher : coupure de sa ligne téléphonique, confiscation
de son passeport, surveillance policière, etc. En Algérie,
les monopoles de fait de l'Etat sur l'impression et la publicité
constituent autant de moyens de pression sur la presse privée.
Il n'est pas rare de voir une des quatre imprimeries d'Etat exiger le
règlement immédiat des dettes d'un journal qui a publié
des articles trop critiques. Dans ces deux pays, les journalistes étrangers
rencontrent de grosses difficultés pour travailler, quand ils
ont la chance d'obtenir un visa. Certains titres de la presse étrangère
sont régulièrement absents des kiosques de Tunis ou d'Alger.
En Mauritanie, le gouvernement n'hésite pas, pour museler la
presse indépendante, à utiliser l'article 11 du Code de
la presse qui permet d'interdire une publication si elle porte "atteinte
aux principes de l'islam ou à la crédibilité de
l'Etat". En 1999, trois journaux ont été suspendus
temporairement.
Recommandations
Reporters sans frontières demande aux autorités des pays
concernés la libération des journalistes emprisonnés
pour des délits de presse. C'est le cas en Angola, au Cameroun,
en Egypte, en Ethiopie, au Gabon, en Libye, en République démocratique
du Congo et au Rwanda. L'organisation souhaite également que
les journalistes détenus en Tunisie et au Rwanda bénéficient
de procès justes et équitables.
Reporters sans frontières demande également aux chefs
d'Etat et de gouvernement de ces vingt-deux pays de tout mettre en ¦uvre
afin que cessent les arrestations arbitraires de journalistes. La quasi-totalité
de ces pays ont interpellé des journalistes en 1999 ou en 2000.
Certains sont restés plusieurs semaines en prison, parfois sans
jugement.
Reporters sans frontières appelle les dix-neuf pays qui bafouent
la liberté de la presse et qui ont pourtant ratifié le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP)
à respecter leurs engagements. L'organisation exhorte la République
de Djibouti, la Mauritanie et le Swaziland à ratifier le PIDCP.
Reporters sans frontières demande aux pays membres de l'Union
européenne et aux Etats du continent africain qui ne l'ont pas
encore fait, de supprimer, dans leur législation, tous les articles
qui prévoient des peines de prison pour les délits de
presse, sauf en ce qui concerne la propagande en faveur de la guerre
et les appels à la haine nationale, raciale ou religieuse.
Enfin,
Reporters sans frontières demande aux chefs d'Etat et de gouvernement
des quinze pays membres de l'Union européenne de faire en sorte
que la situation de la liberté de la presse soit effectivement
prise en compte dans les futurs accords de coopération entre
l'Union européenne et les pays d'Afrique.
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Pour tout
renseignement complémentaire, contacter
Jean-François Julliard ou Virginie Locussol au (33) 1 44 83 84
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Bureau
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UT/RUS, JANET, ram, JICC, ReMOB, LEETAC, UTU, VNET, BRLO,SADCC,NSLEP,
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