AOUT 99

DE NOUVEAUX PROCES POLITIQUES

  1. Appel de la LIGUE DJIBOUTIENNE
    DES DROITS HUMAINS
    - Aout 99

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Maître AREF, prisonnier politique ?
Le ministre s'attaque à Mme AREF
Liste des prisonniers politiques
Lettre de l'ARDHD
à M C. JOSSELIN

La torture à Djibouti
Actualité des trois mois
Interview - Gouled APTIDON
Rapport Avocats sans Frontières
La poudrière djiboutienne
L'Europe a le pouvoir d'agir
Lettre de Me MONTEBOURG
Demande de mise en liberté provisoire
Plainte de L'Association
Djibouti - un état de non-droit
Les autres organisations
Bibliographie
L'ARDHD
L'AFADD

Lettre de Maître Roger-Vincent Calatayud
Ancien Bâtonnier,
Membre du Conseil National des Barreaux,

Président de l'AFADD

 

à Monsieur Jacques CHIRAC
Président de la République
Palais de l'Élysée
Rue du Faubourg Saint Honoré
75008 Paris

Paris, le 3 août 1999

Aff.: MOUMIN BAHDON FARRAH / M.P.

 

Monsieur le Président de la République,

L'ancien Ministre de la Justice et des Affaires Étrangères de Djibouti, Monsieur Moumin Bahdon Farrah, est à nouveau cité à comparaître
devant la cour d'appel de Djibouti
à l'audience du 18 août 1999 à 8 heures 30
pour être jugé, avec d'autres personnalités, du chef d'instigation à la désobéissance des militaires.

Le premier juge l'avait condamné à un an de prison de prison avec sursis et 1.000.000 de Fdj d'amende.

Les avocats français de Monsieur Moumin, dont je suis, ne peuvent toujours pas obtenir de visas pour assister leur client devant cette juridiction djiboutienne, malgré les récentes déclarations du nouveau Chef de l'État, Monsieur Ismael Omar Guelleh.

Les ministères français de la Justice et de la coopération s'étaient engagés lors de nos nombreuses réunions à débloquer la situation, eu égard à la convention judiciaire franco-djiboutienne qui n'est pas respectée.

L'Union Interparlementaire de Genève étaient intervenue pour soutenir Monsieur Moumin par l'intermédiaire de son comité des droits de l'homme.

Nous avons d'ores et déjà demandé le report de cette affaire, sans espoir d'obtenir satisfaction.

Les droits fondamentaux de l'homme sont violés; les droits de la défense ne peuvent pas être exercés et les prévenus seront vraisemblablement jugés sans avoir à leurs côtés les défenseurs de leur choix.

Compte tenu des liens étroits qui unissent nos deux pays et de l'implication de la France dans les tentatives de redressement de Djibouti vers un régime de libertés, nous vous demandons de bien vouloir intervenir auprès des autorités gouvernementales djiboutiennes pour que la convention judiciaire soit respectée et que les personnes citées puissent bénéficier d'une défense libre et indépendante, fondement des principes démocratiques que nous défendons.

Dans l'attente de vous lire ou de vous rencontrer, je vous prie d'agréer, Monsieur le Président de la République, l'expression de ma considération distinguée.

LE PRÉSIDENT,
Bâtonnier Roger-Vincent Calatayud
Membre du Conseil National des Barreaux

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LA LIGUE DJIBOUTIENNE
DES DROITS HUMAINS (L.D.D.H.)

LE PRÉSIDENT : MR NOEL ABDI JEAN-PAUL
SIEGE : Quartier V, Boulevard de Gaulle n°66 B.P. 74
DJIBOUTI, RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI
Tel - Fax : (253) 358007

Djibouti, le 2 août 1999

Note d'information n°4/LDDH/99 du 2 août 1999 : l'audience de la cour d'appel prévue le 18 août 1999

La chambre des appels correctionnels du Tribunal de Djibouti va siéger le 18 août 99 de ce mois pour entendre statuer sur le mérite de l'appel interjeté par le Procureur Général et les prévenus contre le jugement n°978/98 du 24/09/98 prononcé lors du procès du 12 septembre 98 de quatorze (14) militaires
et de M. Momin Badhon Farah et M. Ahmed Boulaleh Barreh respectivement Président du groupe pour la Démocratie et la République (GDR) et tous deux membres du Haut Conseil de l'Opposition Djiboutienne Unifiée.


En tant qu'ancien membre, porte-parole du GDR, ancien député et secrétaire parlementaire du Bureau de l'Assemblée Nationale de 1992 à 1997, j'avais suivi régulièrement tous les procès politiques, qui en fait, n'étaient que des procès mascarades pour ne pas dire des " procès bidons " à l'encontre des personnalités politiques de l'opposition et plus particulièrement MM. Moumin Badhon Farah et Ahmed Boulaleh Barreh.

Quant à Moumin Badhon Farah sous le régime du Président Hassan Gouled et aujourd'hui sous celui de son neveu le Président Ismael Omar connaîtra avec cet appel neuf (9) procès et ceci depuis la levée de l'immunité parlementaire le 15 juin 1996 de trois parlementaires dont M. Moumin Badhon et M. Ahmed Boulaleh.


Djibouti, le 24 septembre 1998 NOTE D'INFORMATION I -

I - Sur le procès du 5 septembre 1998 :
Un nouveau procès inexplicable est intenté à l'encontre de MM MOUMIN BADHON FARAH et AHMED BOULALEH BARREH, tous deux victimes de l'assassinat politique du 7 août 1996, les privant pour cinq ans de leurs droits civiques.


Dans mon Communiqué Presse n°10/GDR/98 du 1er septembre 1998, j'avais précisé que MM. MOUMIN BADHON FARAH et AHMED BOULALEH BARREH se sont rendus et ont subi les questions des gendarmes. C'est lors de l'enquête, qu'ils ont appris le motif de l'accusation, à savoir, si ces deux personnalités politiques étaient moralement, financièrement et matériellement impliquées dans une soi-disante " Tentative de coup d'État ou Coup de Force par une fraction de l'Armée Nationale ".

Ensuite, ils ont été confrontés à trois militaires de la famille tribale pour MOUMIN BADHON et un militaire de la famille pour AHMED BOULALEH. Ces militaires paraissaient être dans un état second.

Les deux personnalités politiques ont d'emblée et énergiquement réfuté ces faits qu'ils considèrent comme de fausses allégations. Le jeudi 3 septembre 1998 à 13H10 (dix minutes après les horaires de travail) des gendarmes ont amené, sans convocation, MM. MOUMIN BADHON et AHMED BOULALEH auprès du Procureur de la République.

Après avoir attendu un bon moment, le Procureur de la République les a reçus. Il leur a demandé s'ils reconnaissaient les faits reprochés. Les deux personnalités politiques ont immédiatement rejeté ces faits, tout comme, ils avaient déclaré aux gendarmes lors de l'enquête.

Toutefois, après avoir constaté l'absence des témoins, MM. BADHON et BOULALEH ont respectivement demandé une nouvelle confrontation, car ils considèrent que ces témoins étaient dans un état second lors de la confrontation devant la police judiciaire de la gendarmerie.

Le Procureur a ignoré ces demandes de confrontation et les a informés qu'il transmettait directement ce dossier au Tribunal et que le Samedi qui suit, une audience aura lieu à 9H (soit moins de 48 heures après l'information du Procureur de la République).

L'audience du Tribunal du samedi 5 septembre 1998 a débuté à 10H50. Le Président du Tribunal de 1ère instance a procédé à l'appel nominal des deux personnalités politiques et seize personnes, qui avaient été mises en détention provisoire par le Procureur de la République le jeudi 3 septembre 1998.

Le Juge, après avoir constaté qu'ils étaient tous alignés à la Barre, a donné lecture des chefs d'accusations. Le Juge IYEH a annoncé que toutes personnes ont été arrêtées et/ou inculpées, conformément aux articles 25, 155, 157 du Code Pénal.

Il a décidé le renvoi de cette affaire pour le samedi suivant, soit le 12 septembre 1998 et ceci pour permettre à l'avocat Roger-Vincent CATALAYUD d'assurer le Droit à la défense et à la demande de Maître CATALAYUD avait eu au préalable, l'accord sans réserve du Procureur de la République, qui l'avait lui-même précisé lors de son interview diffusée sur les ondes de la RTD, le samedi 5 septembre, après l'audience.

D'ores et déjà, il est important de faire remarquer que les faits reprochés, au stade de l'enquête de la gendarmerie a uniquement porté sur les tentatives de Coup d'État ou Coup de Force par une fraction de l'Armée Nationale et subitement, presque 48 heures après, ces faits reprochés ont changé de nature juridique, une transformation en Incitation des militaires appartenant aux forces armées, d'après le juge du Tribunal Correctionnel et de flagrant délit, et sont en application aux articles suivants :


ART 25 : est instigateur et punie comme auteur la personne qui, par don, promesse, ruse, menace, ordre, abus autorité ou de pouvoir, a provoqué à une action qualifiée crime ou délit ou donnée des instructions la commettre.

ART 155 : le fait, en vue de nuire à la défense nationale, de provoquer des militaires appartenant aux forces armées djiboutiennes à passer au service d'une puissance étrangère est puni de dix ans de réclusion criminelle et de 5 000 000 fd d'amende.

ART 157 : le fait, en vue de nuire à la défense nationale, de provoquer par quelque moyen que ce soit des militaires à la désobéissance est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 2 000 000 fd d'amende. Comme vous pouvez le constater l'article 155 n'est pas du ressort du Tribunal Correctionnel mais de la Cour Criminelle, qui est constituée par plusieurs magistrats, membres de la Cour.

II - Sur le procès du 12 septembre 1998 :

Déroulement du procès :

Le samedi 12 septembre 1998, la seconde audience du Tribunal de 1ère Instance a débuté à 10H30. Le juge, après avoir procédé à l'appel nominal, alignés à la Barre sauf un seul qui a donné lecture des chefs d'accusations en se référant aux articles 25, 157, 158 du Code Pénal.

Le Juge a annoncé, que l'avocat français des militaires, s'est vu refusé le visa d'entrée en République de Djibouti. Il s'agit en fait de Maître CANTIER, Président des Avocats sans frontières.

Maître MONTAGNE a informé le tribunal, que le jeudi 9 septembre, à son arrivée à Djibouti, il avait reçu une lettre de Maître MARTINET, doyen des avocats, dans laquelle il le commentait comme avocat d'office pour prendre la défense de MM. MOUMIN BADHON et AHMED BOULALEH, d'autant plus que les avocats présents à Djibouti ont refusé de prendre leur défense.

Ayant atterri à l'aéroport de Djibouti dans la nuit du jeudi (vendredi étant un jour non ouvrable), il a donc pu obtenir pour prendre connaissance du dossier que deux heures avant l'ouverture de l'audience. Maître MONTAGNE a donc demandé le renvoi de cette affaire pour lui donner le temps minimum nécessaire afin de prendre connaissance du dossier.

De leur côté, les militaires ont demandé le renvoi de cette affaire pour permettre à leurs avocats le temps d'obtenir leur visa.

A la question du Juge, à savoir pourquoi Maître MARTINET l'avait commis d'office uniquement pour deux personnes et non pas l'ensemble des accusés.

Maître MONTAGNE a dit qu'il ne savait pas la raison et qu'il était opportun de poser cette question au doyen Maître MARTINET qui sera bientôt de retour à Djibouti.

Il va s'en dire que sur le plan moralité, il serait difficile à Maître MONTAGNE de défendre en même temps les personnalités politiques et les militaires, d'autant plus que les militaires vont témoigner contre ces deux personnalités.

Le Juge étant certainement conscient des risques d'influence d'intérêts que peut subir l'avocat. Néanmoins, le Juge a décidé de commettre Maître MONTAGNE comme avocat auprès des 16 autres accusés et toutes les demandes de renvoi n'ont pas été retenues.

Le Procureur de la République a commencé son intervention par une enquête de la gendarmerie avant de passer à son réquisitoire.

Au stade de l'enquête, l'avocat de la défense s'est abstenu de poser des questions et a préféré se réserver pour les débats des faits et des preuves.

Le procureur de la République a interrogé les accusés un par un. Les questions ont porté essentiellement, s'ils reconnaissaient les faits et/ou s'ils reconnaissaient les dépositions dans les procès verbaux de la gendarmerie.

Les deux personnalités politiques ont réfuté d'emblée les faits reprochés tout comme lors de l'enquête de la gendarmerie. L'officier le plus gradé, le Capitaine FOUAD, a rejeté les faits et a informé le Juge qu'il avait subi des sévices moraux et psychologiques lors de l'enquête. Il s'agissait plutôt d'un complot interne à l'État Major.

Tous les autres militaires ont rejeté les faits reprochés et ont considéré l'enquête de la gendarmerie comme orientée vers une tribu. Tous ont déclaré qu'ils ont été torturés et ne reconnaissaient pas le contenu du procès-verbal.

Trois militaires ont fait remarquer que les gendarmes voulaient qu'ils avouent sans fondement que le Colonel KAYAD était derrière de Coup d'État. Un sous-officier a informé le Juge que le Colonel BOUH l'avait invité à venir à Arta et lui a demandé d'enregistrer des aveux et qu'il a refusé car il n'avait pas connaissance de ces faits et ceci malgré les propositions avantageuses qu'on lui proposait afin d'accepter cet enregistrement, qui de toutes manières resterait confidentiel.

Donc, le sous-officier serait épargné. Le Procureur de la république a passé à son réquisitoire. Ce réquisitoire a été essentiellement basé sur un " Coup d'État avorté " qui se serait passé dans la nuit du 15 - 16 août 1998 au camp Cheick Osman, et que le Front était présent à HAYABLEH (Balbala) pour intervenir après que le camp Cheick Osman serait maîtrisé avec des chars, qu'un gouvernement de transition avec des personnes du tout bord serait mis en place dès le succès du Coup d'État.

Le Procureur de la République a fait l'éloge du procès verbal de la gendarmerie qui était très détaillé et complet à son avis. Le Procureur a regretté que certains djiboutiens croient qu'en ayant des avocats français, ils vont changer le résultat du procès.

Le Procureur de la République a expliqué les raisons du changement du chef d'accusation initial à savoir le Coup d'État. Il a décidé ce changement afin d'éviter des peines lourdes, qui devaient être prononcées contre les accusés dont certains sont âgés, car cette affaire devrait logiquement aboutir à la Cour Criminelle, et c'est pour cela que le Procureur de la république a estimé qu'il était préférable de se référer aux articles 157 et 158 du Code Pénal.

Ces deux articles portent respectivement sur l'incitation à la désobéissance des Forces Armées et à la démoralisation de l'armée. Il a demandé à ce que les peines suivantes soient affligées :

- M. MOUMIN BADHON : 2 ans avec sursis, cinq ans de mis à l'épreuve, de l'application des 2 mois de sursis (pour avoir restitué à son propriétaire deux défenses d'éléphants de 5 Kg et de 6 Kg et ceci conformément à son pouvoir discrétionnaire en tant que Ministre de la Justice) et enfin deux millions d'amendes.

- M. AHMED BOULALEH : 1 an avec sursis et un million d'amende

- 4 militaires et le retraité : 1 an avec sursis et un million d'amende

- 10 militaires : 6 mois avec sursis et cinq cents mille francs d'amende et un relaxé.

Maître MONTAGNE a fait remarquer le fait d'être commis d'office par le Juge pour les 16 autres personnes, dont certains devraient témoigner contre MM. MOUMIN BADHON et AHMED BOULALEH, pourrait créer des différentes influences d'intérêts, cette décision du Juge qui connaît bien le dossier est donc significative et qu'il ne portait à cet égard aucune importance.

La défense de M. MONTAGNE est devenue plus cohérente, car sans influence d'intérêts, avec le refus systématique de tous de reconnaître le contenu des Procès-verbaux qui ont été signés sous la torture, la pression morale et psychologique.

Il a mis en relief le paradoxe des propos du Procureur de la république qui a longuement insisté sur la gravité des faits reprochés et qu'ensuite, il propose des peines dérisoires.

Ce qui montre, à notre avis, que le Ministère Public est conscient et sait très bien qu'il n'y a jamais eu en République de Djibouti aucune tentative de Coup d'État et que l'armée djiboutienne a toujours était bien soudée.

Qu'il s'agit tout simplement d'une machination de l'équipe au Pouvoir contre MM BADHON et BOULALEH. Il a souligné que toutes les questions posées durant l'audience ont été :

- soit une enquête de l'enquête

- soit une recherche des mobiles qui justifieraient le mécontentement des militaires accusés au lieu d'engager directement les discussions sur les faits, tout en constatant, que le Parquet n'a pas été en mesure d'apporter des preuves, même pas un début de preuve.

Quant au changement du Chef d'Accusation, il a tout simplement rappelé que la Loi était de stricte interprétation et que si le Parquet a des preuves alors, on doit appliquer (sans sentiment) les textes en vigueur.

Maître MONTAGNE, qui est un ancien de Djibouti et connaissant la région, a rappelé que les risques de conflit entre l'Éthiopie et l'Érythrée, les conflits latents au Somalienne exigent que l'on garde aux Forces Armées Nationales toute leur sérénité et qu'il faut éviter de créer l'amertume au sein des militaires.

C'est sur ce conseil que Maître MONTAGNE a conclu sa plaidoirie.

Quant à nous, GDR, nous demandons au gouvernement de cesser de semer le tribalisme dans l'Armée Nationale et nous partageons le principe des militaires qui ont été amenés à la Barre lorsqu'ils répondaient au Procureur de la République, ils ont dit que leur " Tribu, c'est leur frère de sang " c'est-à-dire l'Armée.

Après avoir délibéré, le Juge a prononcé les sentences suivantes :

- Pour MM. BADHON, BOULALEH et les 16 éléments de l'armée nationale dont l'un retraité de la gendarmerie : un an avec sursis, un million de francs d'amende

- Pour les cinq militaires avec le retraité : huit mois avec sursis et cinq cent mille francs d'amende

- Pour les dix militaires : trois mois avec sursis et cent mille francs d'amende

- Un militaire a été relaxé.

M. NOEL ABDI Jean-Paul
Ancien Député
Porte-parole du GDR


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