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Lettre
de Maître Roger-Vincent Calatayud
Ancien Bâtonnier,
Membre du Conseil National des Barreaux,
Président de l'AFADD
à
Monsieur Jacques CHIRAC
Président de la République
Palais de l'Élysée
Rue du Faubourg Saint Honoré
75008 Paris
Paris,
le 3 août 1999
Aff.: MOUMIN
BAHDON FARRAH / M.P.
Monsieur
le Président de la République,
L'ancien
Ministre de la Justice et des Affaires Étrangères de Djibouti,
Monsieur Moumin Bahdon Farrah, est à nouveau cité à comparaître
devant la cour d'appel de Djibouti
à l'audience du 18 août 1999 à 8 heures 30
pour être jugé, avec d'autres personnalités, du chef d'instigation à la désobéissance
des militaires.
Le premier
juge l'avait condamné à un an de prison de prison avec sursis et 1.000.000
de Fdj d'amende.
Les
avocats français de Monsieur Moumin, dont je suis, ne peuvent toujours pas
obtenir de visas pour assister leur client devant cette juridiction djiboutienne,
malgré les récentes déclarations du nouveau Chef de l'État, Monsieur
Ismael Omar Guelleh.
Les
ministères français de la Justice et de la coopération s'étaient engagés lors
de nos nombreuses réunions à débloquer la situation, eu égard à la convention
judiciaire franco-djiboutienne qui n'est pas respectée.
L'Union
Interparlementaire de Genève étaient intervenue pour soutenir Monsieur Moumin
par l'intermédiaire de son comité des droits de l'homme.
Nous avons
d'ores et déjà demandé le report de cette affaire, sans espoir d'obtenir satisfaction.
Les droits
fondamentaux de l'homme sont violés; les droits de la défense ne peuvent pas
être exercés et les prévenus seront vraisemblablement jugés sans avoir à leurs
côtés les défenseurs de leur choix.
Compte tenu
des liens étroits qui unissent nos deux pays et de l'implication de la France
dans les tentatives de redressement de Djibouti vers un régime de libertés,
nous vous demandons de bien vouloir intervenir auprès des autorités gouvernementales
djiboutiennes pour que la convention judiciaire soit respectée et que les
personnes citées puissent bénéficier d'une défense libre et indépendante,
fondement des principes démocratiques que nous défendons.
Dans l'attente
de vous lire ou de vous rencontrer, je vous prie d'agréer, Monsieur le Président
de la République, l'expression de ma considération distinguée.
LE
PRÉSIDENT,
Bâtonnier Roger-Vincent Calatayud
Membre du Conseil National des Barreaux
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LA
LIGUE DJIBOUTIENNE
DES DROITS HUMAINS (L.D.D.H.)
LE PRÉSIDENT
: MR NOEL ABDI JEAN-PAUL
SIEGE : Quartier V, Boulevard de Gaulle n°66 B.P. 74
DJIBOUTI, RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI
Tel - Fax : (253) 358007
Djibouti,
le 2 août 1999
Note
d'information n°4/LDDH/99 du 2 août 1999 : l'audience
de la cour d'appel prévue le 18 août 1999
La chambre des appels
correctionnels du Tribunal de Djibouti va siéger le 18 août 99 de ce mois
pour entendre statuer sur le mérite de l'appel interjeté par le Procureur
Général et les prévenus contre le jugement n°978/98 du 24/09/98 prononcé lors
du procès du 12 septembre 98 de quatorze (14) militaires
et de M. Momin Badhon Farah et M. Ahmed Boulaleh Barreh respectivement Président
du groupe pour la Démocratie et la République (GDR) et tous deux membres du
Haut Conseil de l'Opposition Djiboutienne Unifiée.
En
tant qu'ancien membre, porte-parole du GDR, ancien député et secrétaire parlementaire
du Bureau de l'Assemblée Nationale de 1992 à 1997, j'avais suivi régulièrement
tous les procès politiques, qui en fait, n'étaient que des procès mascarades
pour ne pas dire des " procès bidons " à l'encontre des personnalités politiques
de l'opposition et plus particulièrement MM. Moumin Badhon Farah et Ahmed
Boulaleh Barreh.
Quant à Moumin Badhon
Farah sous le régime du Président Hassan Gouled et aujourd'hui sous celui
de son neveu le Président Ismael Omar connaîtra avec cet appel neuf (9) procès
et ceci depuis la levée de l'immunité parlementaire le 15 juin 1996 de trois
parlementaires dont M. Moumin Badhon et M. Ahmed Boulaleh.
Djibouti, le 24 septembre
1998 NOTE D'INFORMATION I -
I
- Sur le procès du 5 septembre 1998 :
Un nouveau procès inexplicable est intenté à l'encontre de MM MOUMIN BADHON
FARAH et AHMED BOULALEH BARREH, tous deux victimes de l'assassinat politique
du 7 août 1996, les privant pour cinq ans de leurs droits civiques.
Dans
mon Communiqué Presse n°10/GDR/98 du 1er septembre 1998, j'avais précisé que
MM. MOUMIN BADHON FARAH et AHMED BOULALEH BARREH se sont rendus et ont subi
les questions des gendarmes. C'est lors de l'enquête, qu'ils ont appris le
motif de l'accusation, à savoir, si ces deux personnalités politiques étaient
moralement, financièrement et matériellement impliquées dans une soi-disante
" Tentative de coup d'État ou Coup de Force par une fraction de l'Armée Nationale
".
Ensuite, ils ont été confrontés
à trois militaires de la famille tribale pour MOUMIN BADHON et un militaire
de la famille pour AHMED BOULALEH. Ces militaires paraissaient être dans
un état second.
Les deux personnalités
politiques ont d'emblée et énergiquement réfuté ces faits qu'ils considèrent
comme de fausses allégations. Le jeudi 3 septembre 1998 à 13H10 (dix minutes
après les horaires de travail) des gendarmes ont amené, sans convocation,
MM. MOUMIN BADHON et AHMED BOULALEH auprès du Procureur de la République.
Après avoir attendu un
bon moment, le Procureur de la République les a reçus. Il leur a demandé s'ils
reconnaissaient les faits reprochés. Les deux personnalités politiques ont
immédiatement rejeté ces faits, tout comme, ils avaient déclaré aux gendarmes
lors de l'enquête.
Toutefois, après avoir
constaté l'absence des témoins, MM. BADHON et BOULALEH ont respectivement
demandé une nouvelle confrontation, car ils considèrent que ces témoins étaient
dans un état second lors de la confrontation devant la police judiciaire de
la gendarmerie.
Le Procureur a ignoré
ces demandes de confrontation et les a informés qu'il transmettait directement
ce dossier au Tribunal et que le Samedi qui suit, une audience aura lieu à
9H (soit moins de 48 heures après l'information du Procureur de la République).
L'audience du Tribunal
du samedi 5 septembre 1998 a débuté à 10H50. Le Président du Tribunal de 1ère
instance a procédé à l'appel nominal des deux personnalités politiques et
seize personnes, qui avaient été mises en détention provisoire par le Procureur
de la République le jeudi 3 septembre 1998.
Le Juge, après avoir constaté
qu'ils étaient tous alignés à la Barre, a donné lecture des chefs d'accusations.
Le Juge IYEH a annoncé que toutes personnes ont été arrêtées et/ou inculpées,
conformément aux articles 25, 155, 157 du Code Pénal.
Il a décidé le renvoi
de cette affaire pour le samedi suivant, soit le 12 septembre 1998 et ceci
pour permettre à l'avocat Roger-Vincent CATALAYUD d'assurer le Droit à la
défense et à la demande de Maître CATALAYUD avait eu au préalable, l'accord
sans réserve du Procureur de la République, qui l'avait lui-même précisé lors
de son interview diffusée sur les ondes de la RTD, le samedi 5 septembre,
après l'audience.
D'ores et déjà, il
est important de faire remarquer que les faits reprochés, au stade de l'enquête
de la gendarmerie a uniquement porté sur les tentatives de Coup d'État ou
Coup de Force par une fraction de l'Armée Nationale et subitement, presque
48 heures après, ces faits reprochés ont changé de nature juridique, une transformation
en Incitation des militaires appartenant aux forces armées, d'après le juge
du Tribunal Correctionnel et de flagrant délit, et sont en application aux
articles suivants :
ART 25 : est instigateur
et punie comme auteur la personne qui, par don, promesse, ruse, menace, ordre,
abus autorité ou de pouvoir, a provoqué à une action qualifiée crime ou délit
ou donnée des instructions la commettre.
ART 155 : le fait, en
vue de nuire à la défense nationale, de provoquer des militaires appartenant
aux forces armées djiboutiennes à passer au service d'une puissance étrangère
est puni de dix ans de réclusion criminelle et de 5 000 000 fd d'amende.
ART 157 : le fait, en
vue de nuire à la défense nationale, de provoquer par quelque moyen que ce
soit des militaires à la désobéissance est puni de cinq ans d'emprisonnement
et de 2 000 000 fd d'amende. Comme vous pouvez le constater l'article 155
n'est pas du ressort du Tribunal Correctionnel mais de la Cour Criminelle,
qui est constituée par plusieurs magistrats, membres de la Cour.
II
- Sur le procès du 12 septembre 1998 :
Déroulement du procès
:
Le samedi 12 septembre
1998, la seconde audience du Tribunal de 1ère Instance a débuté à 10H30. Le
juge, après avoir procédé à l'appel nominal, alignés à la Barre sauf un seul
qui a donné lecture des chefs d'accusations en se référant aux articles 25,
157, 158 du Code Pénal.
Le
Juge a annoncé, que l'avocat français des militaires, s'est vu refusé le visa
d'entrée en République de Djibouti. Il s'agit en fait de Maître CANTIER, Président
des Avocats sans frontières.
Maître
MONTAGNE a informé le tribunal, que le jeudi 9 septembre, à son arrivée à
Djibouti, il avait reçu une lettre de Maître MARTINET, doyen des avocats,
dans laquelle il le commentait comme avocat d'office pour prendre la défense
de MM. MOUMIN BADHON et AHMED BOULALEH, d'autant plus que les avocats présents
à Djibouti ont refusé de prendre leur défense.
Ayant atterri à l'aéroport
de Djibouti dans la nuit du jeudi (vendredi étant un jour non ouvrable), il
a donc pu obtenir pour prendre connaissance du dossier que deux heures avant
l'ouverture de l'audience. Maître MONTAGNE a donc demandé le renvoi de cette
affaire pour lui donner le temps minimum nécessaire afin de prendre connaissance
du dossier.
De leur côté, les militaires
ont demandé le renvoi de cette affaire pour permettre à leurs avocats le temps
d'obtenir leur visa.
A la question du Juge,
à savoir pourquoi Maître MARTINET l'avait commis d'office uniquement pour
deux personnes et non pas l'ensemble des accusés.
Maître MONTAGNE a dit
qu'il ne savait pas la raison et qu'il était opportun de poser cette question
au doyen Maître MARTINET qui sera bientôt de retour à Djibouti.
Il va s'en dire que
sur le plan moralité, il serait difficile à Maître MONTAGNE de défendre en
même temps les personnalités politiques et les militaires, d'autant plus que
les militaires vont témoigner contre ces deux personnalités.
Le
Juge étant certainement conscient des risques d'influence d'intérêts que peut
subir l'avocat. Néanmoins, le Juge a décidé de commettre Maître MONTAGNE comme
avocat auprès des 16 autres accusés et toutes les demandes de renvoi n'ont
pas été retenues.
Le Procureur de la République
a commencé son intervention par une enquête de la gendarmerie avant de passer
à son réquisitoire.
Au stade de l'enquête,
l'avocat de la défense s'est abstenu de poser des questions et a préféré se
réserver pour les débats des faits et des preuves.
Le procureur de la République
a interrogé les accusés un par un. Les questions ont porté essentiellement,
s'ils reconnaissaient les faits et/ou s'ils reconnaissaient les dépositions
dans les procès verbaux de la gendarmerie.
Les deux personnalités
politiques ont réfuté d'emblée les faits reprochés tout comme lors de l'enquête
de la gendarmerie. L'officier le plus gradé, le Capitaine FOUAD, a rejeté
les faits et a informé le Juge qu'il avait subi des sévices moraux et psychologiques
lors de l'enquête. Il s'agissait plutôt d'un complot interne à l'État Major.
Tous
les autres militaires ont rejeté les faits reprochés et ont considéré l'enquête
de la gendarmerie comme orientée vers une tribu. Tous ont déclaré qu'ils ont
été torturés et ne reconnaissaient pas le contenu du procès-verbal.
Trois militaires ont fait
remarquer que les gendarmes voulaient qu'ils avouent sans fondement que le
Colonel KAYAD était derrière de Coup d'État. Un sous-officier a informé le
Juge que le Colonel BOUH l'avait invité à venir à Arta et lui a demandé d'enregistrer
des aveux et qu'il a refusé car il n'avait pas connaissance de ces faits et
ceci malgré les propositions avantageuses qu'on lui proposait afin d'accepter
cet enregistrement, qui de toutes manières resterait confidentiel.
Donc, le sous-officier
serait épargné. Le Procureur de la république a passé à son réquisitoire.
Ce réquisitoire a été essentiellement basé sur un " Coup d'État avorté " qui
se serait passé dans la nuit du 15 - 16 août 1998 au camp Cheick Osman, et
que le Front était présent à HAYABLEH (Balbala) pour intervenir après que
le camp Cheick Osman serait maîtrisé avec des chars, qu'un gouvernement de
transition avec des personnes du tout bord serait mis en place dès le succès
du Coup d'État.
Le
Procureur de la République a fait l'éloge du procès verbal de la gendarmerie
qui était très détaillé et complet à son avis. Le Procureur a regretté que
certains djiboutiens croient qu'en ayant des avocats français, ils vont changer
le résultat du procès.
Le Procureur de la République
a expliqué les raisons du changement du chef d'accusation initial à savoir
le Coup d'État. Il a décidé ce changement afin d'éviter des peines lourdes,
qui devaient être prononcées contre les accusés dont certains sont âgés, car
cette affaire devrait logiquement aboutir à la Cour Criminelle, et c'est pour
cela que le Procureur de la république a estimé qu'il était préférable de
se référer aux articles 157 et 158 du Code Pénal.
Ces deux articles portent
respectivement sur l'incitation à la désobéissance des Forces Armées et à
la démoralisation de l'armée. Il a demandé à ce que les peines suivantes soient
affligées :
- M. MOUMIN BADHON : 2
ans avec sursis, cinq ans de mis à l'épreuve, de l'application des 2 mois
de sursis (pour avoir restitué à son propriétaire deux défenses d'éléphants
de 5 Kg et de 6 Kg et ceci conformément à son pouvoir discrétionnaire en tant
que Ministre de la Justice) et enfin deux millions d'amendes.
- M. AHMED BOULALEH :
1 an avec sursis et un million d'amende
- 4 militaires et le retraité
: 1 an avec sursis et un million d'amende
- 10 militaires : 6 mois
avec sursis et cinq cents mille francs d'amende et un relaxé.
Maître MONTAGNE a fait
remarquer le fait d'être commis d'office par le Juge pour les 16 autres personnes,
dont certains devraient témoigner contre MM. MOUMIN BADHON et AHMED BOULALEH,
pourrait créer des différentes influences d'intérêts, cette décision du Juge
qui connaît bien le dossier est donc significative et qu'il ne portait à cet
égard aucune importance.
La défense de M. MONTAGNE
est devenue plus cohérente, car sans influence d'intérêts, avec le refus systématique
de tous de reconnaître le contenu des Procès-verbaux qui ont été signés sous
la torture, la pression morale et psychologique.
Il a mis en relief le
paradoxe des propos du Procureur de la république qui a longuement insisté
sur la gravité des faits reprochés et qu'ensuite, il propose des peines dérisoires.
Ce
qui montre, à notre avis, que le Ministère Public est conscient et sait très
bien qu'il n'y a jamais eu en République de Djibouti aucune tentative de Coup
d'État et que l'armée djiboutienne a toujours était bien soudée.
Qu'il
s'agit tout simplement d'une machination de l'équipe au Pouvoir contre MM
BADHON et BOULALEH. Il a souligné que toutes les questions posées durant l'audience
ont été :
- soit
une enquête de l'enquête
- soit
une recherche des mobiles qui justifieraient le mécontentement des militaires
accusés au lieu d'engager directement les discussions sur les faits, tout
en constatant, que le Parquet n'a pas été en mesure d'apporter des preuves,
même pas un début de preuve.
Quant au changement du
Chef d'Accusation, il a tout simplement rappelé que la Loi était de stricte
interprétation et que si le Parquet a des preuves alors, on doit appliquer
(sans sentiment) les textes en vigueur.
Maître MONTAGNE, qui
est un ancien de Djibouti et connaissant la région, a rappelé que les risques
de conflit entre l'Éthiopie et l'Érythrée, les conflits latents au Somalienne
exigent que l'on garde aux Forces Armées Nationales toute leur sérénité et
qu'il faut éviter de créer l'amertume au sein des militaires.
C'est sur ce conseil que
Maître MONTAGNE a conclu sa plaidoirie.
Quant à nous, GDR,
nous demandons au gouvernement de cesser de semer le tribalisme dans l'Armée
Nationale et nous partageons le principe des militaires qui ont été amenés
à la Barre lorsqu'ils répondaient au Procureur de la République, ils ont dit
que leur " Tribu, c'est leur frère de sang " c'est-à-dire l'Armée.
Après avoir délibéré,
le Juge a prononcé les sentences suivantes :
- Pour MM. BADHON, BOULALEH
et les 16 éléments de l'armée nationale dont l'un retraité de la gendarmerie
: un an avec sursis, un million de francs d'amende
- Pour les cinq militaires
avec le retraité : huit mois avec sursis et cinq cent mille francs d'amende
- Pour les dix militaires
: trois mois avec sursis et cent mille francs d'amende
- Un militaire a été relaxé.
M.
NOEL ABDI Jean-Paul
Ancien Député
Porte-parole du GDR |