LE
RENOUVEAU
N°
351 DU MERCREDI 15 MARS 2000
EDITORIAL
DE RETOUR, LE RENOUVEAU VOUS SOUHAITE BONNE FÊTE
Ca y est, le Renouveau, votre fidèle hebdomadaire, qui depuis
sa création au début d'octobre 1992 (sa première
édition date du 7 octobre 1992 ) a été toujours
présent au rendez-vous du jeudi matin avec ses aimables lecteurs
et lectrices que vous êtes, votre journal préféré
donc vous revient. Il sort de longs mois de silence forcé, suspendu
d'abord pour douze mois puis pour six mois par la justice du régime
en place dans ce pays.
Souvenez-vous,
c'était le 28 août, par une après-midi caniculaire,
le directeur de publication du Renouveau et président du Parti
Renouveau Démocratique (PRD), Monsieur Daher Ahmed Farah, était
arrêté par la gendarmerie, placé en garde à
vue dans les locaux poussiéreux et pesants de chaleur de la fameuse
Section de Recherches et de Documentation (SRD). En même temps
que le Général à la retraite Ali Mehidal Waiss,
co-directeur de publication du mensuel le Temps. Dès le lendemain,
il s'entendait signifier le tarif : 12 mois d'emprisonnement ferme,
un million de nos francs d'amende pour DAF et 12 mois de suspension
pour le Renouveau. Ali Mehidal Waiss, lui, écope de huit mois
d'emprisonnement ferme, un million de nos francs d'amende et huit mois
de suspension du mensuel le Temps.
Mêmes chefs
d'accusation contre les deux directeurs de publication et les deux publications
: diffusion de fausses nouvelles et atteinte au moral des forces armées.
Directement en cause : des articles parus dans les dernières
éditions des deux journaux qui rendaient compte des derniers
combats au nord entre le Front pour la Restauration de l'Unité
et de la Démocratie (FRUD) dirigé par le président
Ahmed Dini Ahmed et les troupes gouvernementales. Ils évoquaient
surtout la destruction d'un hélicoptère militaire et la
mort de ses équipage et passagers, publiant la version du FRUD
qui affirmait avoir abattu l'appareil et celle du gouvernement qui concluait
à l'accident technique avant même les résultats
de l'enquête par lui diligentée.
Le jugement rendu
par la chambre correctionnelle du tribunal de première instance
restera comme un chef d'uvre du genre dans les annales judiciaires.
Il condamnera sans convaincre. Il mordra en mugissant, sans motiver
le moins du monde. Un coup de maître, comme on l'aime bien dans
les venelles enkhatées du pouvoir .
Le très
fort Maître Djammen Nzepa du barreau de Toulouse (il est d'origine
camerounaise) , venu défendre le Renouveau et le Temps au titre
d'Avocats Sans Frontières, ne se privera point , en audience
d'appel, de dire sa stupeur. Au cours de sa brillante plaidoirie, il
démontrera qu'aucun des deux chefs d'accusation n'est établi
du point de vue du droit et demandera la relaxe. Il ne sera pas pour
autant suivi : le silence forcé du Renouveau et du Temps ne sera
écourté que de quelques mois pour se fixer à six
mois. Triste jour pour le droit et la liberté. Autres cieux,
autres pratiques.
Au terme de trois
mois et demi de triste détention dans la sinistre prison de Gabode,
les directeurs de publication du Renouveau et du Temps " bénéficieront
" d'une remise de peines et recouvreront la liberté. Pas
les journaux, qui eux savoureront jusqu'à la dernière
seconde le séjour au sanctuaire du silence forcé si apprécié
d'un système suceur qui n'a rien à envier à la
plus avide des sangsues.
Vous l'avez deviné,
le régime, sous des prétextes éloquemment grossiers,
cherchait seulement à museler, à bâillonner la presse
d'opposition. Il n'aime point la plume, surtout si elle est libre. Pas
plus qu'il n'apprécie la cloche qui ne s'avise pas d'émettre
le bon son. A l'aune de ses standards, s'entend. Hors du culte du prince,
point de salut.
Aura-t-il la
réussi ? Rien n'est moins sûr. Car, d'abord, la période
de silence aura brui de mille sons, grâce notamment à Internet
dont la magie aura enfanté notre confrère le bien nommé
Liberté. Un empêcheur que cet Internet ! Qui trouble tant
nos tyranneaux, et fait enrager nos roitelets. C'est, transposé
dans l'ordre de la liberté d'expression, l 'arme nucléaire
qui brutalement relègue dans la nuit des temps l'arsenal conventionnel
des tyranneaux de tout poil.
En outre, le
Renouveau ne se laisse pas impressionner par les agissements moyenâgeux
du régime. Il reprend le flambeau de la lutte et vous promet
de faire honneur à votre confiance. Dans la mesure de ses maigres
moyens et au rythme de sa pastorale persévérance.
De nouveau, bonne
fête de l'Aïd-El-Adha donc, et bienvenus à bord...
POLITIQUE
Opposition Armée-Gouvernement :
Un Accord inscrit
dans l'ordre des choses
Un accord de paix est intervenu entre le Front pour Restauration de
l'Unité et de la Démocratie (FRUD) dirigé par le
président Ahmed Dini Ahmed et le gouvernement de Monsieur Ismaël
Omar Guelleh. C'était le 7 février dernier que le texte
de cet "accord cadre de reforme et de concorde civile " était
signé entre les deux parties à Paris en France.
Cet accord, qui
a peut-être surpris tous ceux et toutes celles que la rhétorique
moyenâgeuse du régime avait habitués à des
prises de position radicales au sujet de la guerre civile au nord et
au sud ouest du pays, où le pouvoir claironnait avoir rétabli
la paix depuis les accords d'Ab'a du 26 décembre 1994, cet accord
donc ne pouvait aucunement étonner l'observeur averti de la situation
nationale. Il s'inscrit en réalité dans l'ordre des choses.
La situation
de notre pays, n'en déplaise aux thuriféraires du régime
et autres courtisans de bas étage, ne fait qu'empirer à
tous points de vue. Politiquement, avec la logique du tout verrouillage
et du tout répressif qui a trouvé ses limites. L'on ne
peut en effet continuer, sans dommages majeurs, à bâillonner
indéfiniment tout un peuple, entretenir la discorde nationale
et cultiver le langage des armes au détriment du nécessaire
dialogue. A la guerre civile, le régime a opposé quelques
arrangements avec une faction alimentaire du FRUD, ce qui a donné
lieu aux prétendus accords d'Ab'a ; il a éliminé
les partis politiques d'opposition (Parti du Renouveau Démocratique
et Parti National Démocratique) et a fait de même avec
les syndicats de base et les deux centrales syndicales (l'Union Démocratique
du travail et l'Union Générale des Travailleurs Djiboutiens),
il a mis au pas la justice et les avocats, éliminé les
défenseurs des droits de l'homme ; il a pratiqué à
outrance l'emprisonnement et l'arbitraire, réprimé dans
le sang (pas plus tard qu'au mois dernier un jeune homme tombait sous
les balles des sbires du régime à Ali-Sabieh )... Economiquement,
sa mal-gestion n'a abouti qu'à aggraver la situation. Les finances
publiques asséchées pas la prédation, condamnent
à la faillite des pans entiers de l'économie. Les entreprises
travaillant pour l'administration disparaissent ; les salariés
de l'Etat, de loin les plus nombreux, deviennent insolvables du fait
des retards de solde atteignant les sept mois ; les investisseurs sont
découragés par l'incertitude politique et le non-droit.
Le paysage économique du pays s'en trouve défiguré.
Quant à la situation sociale, elle se présente sous le
signe éloquent de la misère : dans un pays qui vit du
salariat et où l'Etat est le premier employeur et le premier
agent économique, cela n'est d'ailleurs guère étonnant.
Les relations extérieures, enfin, ne sont guère mieux
loties: la fuite en avant exaspère les voisins et chaque jour
qu'Allah fait apporte son pesant de doute quant à ce que le fils
de Omar Guelleh appelle son plan de paix pour la Somalie.
Vous le constatez,
le pouvoir autocratique aura tout essayé, tout expérimenté,
pour durer et perdurer. Sans parvenir à ses fins Il ne pouvait
d'ailleurs en être autrement à l'ère de l'Internet
et du village planétaire où aucun pays ne peut vivre en
marge du monde : la résistance nationale est grande, portée
par la détermination populaire et le soutien international qu'elle
suscite.
Les atteintes
aux droits de l'homme, le lourd déficit démocratique,
la mal-gestion des deniers publics et la mal gouvernance, une guerre
civile aux lourdes conséquences qu'entretient l'intransigeance
d'un pouvoir qui rejette le dialogue, tout a été désigné
du doigt, péremptoirement dénoncé, preuves à
l'appui. Condamnations et mises en garde se sont mises à pleuvoir.
Le plan d'ajustement structurel s'est violemment heurté à
la logique alimentariste qui préside au système gouvernemental.
A L'ère où se traquent anciens dictateurs et autres tyrans
en place, du " Pinochisme " décrié et d'affaires
en tout genre, l'avenir se parait de sombres habits.
La politique
de la facilité et du pouvoir confisqué s'est révélée
sans issue. L'impasse s'installait.
Il fallait se
rendre à l'évidence : le mode de gouvernement anachronique
en cours depuis l'Indépendance avait vécu.
Il fallait donc
réagir, cesser de faire les choses à contre-courant. Il
fallait se résoudre au dialogue. D'où cet " accord-cadre
" qui, comme son nom l'indique, se contente de jeter les bases
du nécessaire dialogue national sans lequel, le régime
le sait maintenant assez, il ne peut y avoir de salut. D'où également
la reprise des relations rompues par le gouvernement djiboutien avec
l'Erythrée, car là aussi la logique de la tension avait
échoué qui devait faire place à l'apaisement...
Cet accord résulte
donc de l'évolution des choses qui fait que le régime
s'est affaibli et l'opposition renforcée par son unité
et sa combativité.
Pour notre part,
nous prenons bonne note de cette évolution, saluons l'accord
de Paris, sans pour autant nous départir de notre vigilance...
JUSTICE
AFFAIRE ABDOULFATAH
MOUSSA AHMED :
A travers le
fils, atteindre le père.
Après
neuf mois de détention préventive (il a été
arrêté le 21 juin 1999 et la durée légale
maximale de dépôt est de quatre mois en l'espèce)
sous le chef d'accusation fallacieux de détournements de fonds,
après maintes demandes de mise en liberté restées
lettres mortes, après deux ou trois auditions seulement par le
juge d'instruction, Monsieur Abdoulfatah Moussa Ahmed, fils aîné
de Moussa Ahmed Idriss, a été condamné le 6 mars
2000 par la chambre correctionnelle du tribunal de première instance
à trois ans d'emprisonnement ferme et à une somme de vingt
trois millions de nos francs à payer à l'Etat de Djibouti.
Il lui était
accusé d'avoir, dans la gestion du projet d'habitat social dit
Barwaqo de Balbala ( 1000 parcelles de terrain à bâtir),gestion
à laquelle il a été associé en sa qualité
de chef de service des Domaines, détourné la somme de
trente sept millions cinq cent trente sept mille deux cent quarante
huit francs (37 537 248FD). Or, il parvenait sans peine, en grande partie
dès sa garde à vue, à justifier ces fonds, preuves
à l'appui. En clair, il démontrait qu' en ce qui le concerne
ces deniers publics avaient servi, non à des fins personnelles
comme il le lui était reproché, mais bien à la
réalisation du projet. Il devenait donc rapidement clair qu'il
n'y avait pas eu de détournements de fonds dans cette affaire.
Fort de cette
évidence, son avocat, Maître Alain Martinet du barreau
de Djibouti, adressait le 28 novembre 1999 une lettre démonstrative
au juge d'instruction en charge du dossier, Madame Leila. Lettre que
nous publions en fin de journal pour l'information de nos lectrices
et lecteurs. Nous faisons de même, et dans le même souci,
pour une note d'information de Monsieur Abdoulfatah Moussa Ahmed lui
même ainsi que pour le communiqué de presse que l'Opposition
Djiboutienne l'Unifiée (ODU) a publié après le
verdict du 6 mars dernier.
Il va de soi,
pour qui s'intéresse un tant soit peu à cette affaire,
qu'au delà de ce prétexte au demeurant mal choisi puisqu'il
ne tient pas, d'autres considérations sous-tendent l'acharnement
du pouvoir contre ce jeune fonctionnaire diplômé en économie
de l'université de Grenoble et inspecteur du trésor formé
en France. A travers sa personne, c'est, lâchons-le, son père
que le régime vise. Un père coupable d'être une
figure indépendantiste et, surtout, de sa candidature à
l'élection présidentielle du 9 avril 1999 dernier où
toute l'opposition (armée comme civile) l'a soutenu. Un père
coupable d'avoir remporté haut la main cette élection
(qu'il ait été spolié de sa victoire n'enlève
rien à son mérite) et de présider l'Opposition
Djiboutienne Unifiée (ODU). Ce forum très populaire qui
regroupe partis (PRD, PND), mouvements (FUOD, GDR) et personnalités
politiques, donne des sueurs froides à un régime en mal
de légitimité.
Telle est la
vérité dans ce procès.
Mais que le pouvoir
autocratique en place le sache :ses manoeuvres de pression à
l'encontre du président de l'ODU et de sa famille sont vouées
à l'échec. Comme elles le sont à l'encontre des
autres leaders de l'opposition. Car, comme toujours, à l'agitation
paniquée du fauve, nous opposons la force de nos convictions.
Le PRD condamne
donc ce verdict politicard et exige la libération immédiate
et sans condition de Monsieur Abdoulfatah Moussa Ahmed Idriss et de
tous les autres prisonniers politiques encore détenus à
la sinistre prison de Gabode.
Le président du parti, Monsieur Daher Ahmed Farah, et le Bureau
National souhaitent une bonne fête de l'Aïd-El-Adha aux militants
et sympathisants du PRD et de l'opposition ainsi qu'à l'ensemble
des Djiboutiens et Djiboutiennes et des membres et de la communauté
musulmane étrangère résidant à Djibouti.
Puisse la prochaine
Aïd-El-Adha nous trouver en paix et réconciliés.
Amin.
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