LE RENOUVEAU 372
du Jeudi 17 août 2000
Organe d'information du PRD

Diffusion par l'ARDHD
Directeur de publication : Daher Ahmed Farah
Rédaction - Administration :
Edité par la Commission Communication du Parti
Avenue NASSER tel :35 14 74 B.P : 3570
Tirage : 1500 exemplaires

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LE RENOUVEAU

 

N° 372 du Jeudi 17 Août 2000

AVIS AUX LECTRICES ET LECTEURS

Pour des raisons d'ordre technique, votre fidèle hebdomadaire Le Renouveau ne paraîtra pas les jeudi 24 et 31 août prochains ainsi que le jeudi 7 septembre 2000. Il reparaîtra à partir du jeudi 14 septembre 2000. Par avance, nous nous excusons de ce contretemps.


ECONOMIE SOCIALE

PRAC : UN PROJET DOUTEUX

Ainsi que nous en avons rendu compte dans ces colonnes voilà quelques semaines, le Projet de Réinsertion des Anciens Combattants (des anciens mobilisés, s'entend) ne laisse pas indifférents. Par bien des aspects, il suscite doutes et interrogations.
Il faut dire qu'au delà de ses dysfonctionnements internes que nous avons relevés à l'occasion de notre précédent article sur le sujet, le projet étonne sur de nombreux points. Il s'achève dans un peu plus d'un an, en décembre 2001, alors même que son objet, à savoir la réinsertion des anciens combattants, est à peine effleuré. Seuls quelque sept cent cinquante (750) démobilisés ne sont-ils pas pris en compte jusqu'à ce jour alors que le nombre des anciens combattants se chiffre en milliers ? Pire, les dossiers des quelque sept cent cinquante heureux élus sont en début de traitement ou en attente de traitement. A notre connaissance, seuls ceux qui préparent l'examen du permis de conduire sont mis au travail qui reçoivent la formation correspondante. " Nous attendons toujours l'initiation commerciale promise ", nous confient certains des 450 anciens combattants qui sont pressentis pour l'entrée dans le petit commerce moyennant une subvention individuelle de 2600$, soit quelque quatre centre soixante mille francs Djibouti (460000 FD) environ.
Autre carence, le projet exclut toute insertion professionnelle dans les secteurs porteurs de l'économie nationale tels que la pêche ou les transports. Aux termes du rapport de la mission de la Banque Mondiale-Agence Internationale de Développement (publié par nos soins dans le renouveau n°369 du Jeudi 27 juillet 2000), le projet exclut " la possibilité de répondre favorablement aux demandes de formation à la pêche. De surcroît, le manuel de procédure du PRAC considère les projets incluant un équipement motorisé comme non-éligible, de ce fait les micro-projets impliquant l'achat d'une barque de pêche motorisée ou d'une voiture ne peuvent être retenus ".
A croire que la réinsertion visée par le PRAC est une réinsertion au rabais qui jette les démobilisés dans la précarité des petits boulots !
Sans compter que la répartition par districts des sept cent cinquante anciens combattants sélectionnés par le PRAC laisse coi de surprise. Le district de Djibouti se taille plus que la part du lion puisqu'il totalise 600 sur les 750 démobilisés, suivi de Dikhil qui compte 100 anciens combattants dans la distribution, Ali-Sabieh et Tadjourah se partageant les 50 places restantes à raison de 30 pour Ali-Sabieh et 20 pour Tadjourah. L'on ne saurait ne pas s'interroger sur les clés de répartition ayant abouti à de telles disparités ! Que la capitale reste prépondérante, démographiquement parlant, c'est une évidence, mais pas dans les proportions que laisse supposer la répartition opérée par le projet : l'on peut même dire que pour la campagne de mobilisation militaire gouvernementale les ruraux étaient bien plus nombreux que les citadins !
Nous écrivions, en guise de conclusion de notre article sur le sujet le 27 juillet dernier que le projet de réinsertion des anciens combattants offrait matière à exercer l'esprit critique et la réflexion. Il tient ses promesses comme tendent à le montrer, entre autres éléments, les brèves observations que nous vous livrons aujourd'hui.
Décidément ...
A suivre



METEOROLOGIE


APRES LA CAPITALE, LES DISTRICTS DU SUD SOUS LA BOURRASQUE

Après la capitale, Djibouti-ville, qui a été malmenée dans la nuit du vendredi 4 au samedi 5 août 2000, les districts de Dikhil et Ali-Sabieh viennent à leur tour de connaître la bourrasque. C'est Dikhil qui a été touché en premier avec des pluies très violentes où les rafales de vent atteignaient des sommets. Les dégâts matériels causés sont énormes avec des destructions de toutes sortes : toitures soufflées, arbres arrachés, véhicules endommagés, canalisations d'eau et lignes électriques rompues... Pas moins de treize maisons auraient été détruites. Même sort pour le centre médico-social, qui n'a pas été épargné, comme pour la grande mosquée , dont la toiture et le minaret ont été touchés. La ville de Dikhil s'est retrouvée sans eau et sans électricité quelques heures durant. Il aura fallu tout le savoir-faire et toute l'abnégation des techniciens locaux, notamment de l'Electricité de Djibouti, pour rétablir la situation.
Les pertes humaines sont fort heureusement nulles. L'on déplore seulement quelques blessés dont le plus grièvement atteint serait un homme touché par l'éboulement d'un abri sommaire de pierres près de la grande mosquée.
Comme toujours, les victimes attendent d'être secourues et, en ces temps durs où les salaires ne tombent plus, regardent vers les pouvoirs publics.
Les mêmes intempéries ont été observées à Ali-Sabieh où, dimanche 13 août 2000, des pluies chargées de vents violents se sont abattues sur la ville, entraînant des dégâts matériels importants. Là aussi, des toitures de maisons ont été soufflées, le centre médico-social particulièrement endommagé, des arbres arrachées... Plusieurs familles se retrouvent dans une situation de sinistrées.
Décidément, ces pluies de Karan (en somali) sortent de l'ordinaire à la fois par leur violence et par les dégâts occasionnées. Elles sont d'autant plus douloureusement ressenties par la population que cette dernière est économiquement démunie face à l'effort de reconstruction rendu nécessaire.
A suivre


ADMINISTRATION

PK 12 ENCORE ET TOUJOURS

Le malheureux quartier PK12 se plaint encore et toujours sans que visiblement ses cris de détresse ne soient entendus par les pouvoirs publics ou supposés tels. Il se plaint toujours des mêmes problèmes de survie qui seraient impensables dans un pays normalement dirigé. Les habitants du PK12, qui en arrivent à se considérer comme des citoyens de seconde zone, se plaignent de la défaillance du dispensaire local qui, selon eux, n'offre ni médicaments ni accueil digne de ce nom. " Il n'est même pas doté d'une ambulance ", avouent-ils. Ils se plaignent également de pénurie d'eau : les deux seules bornes-fontaines installées près des logements des deux chefs de quartier, ne suffisent plus à un quartier en pleine expansion démographique. Ils se plaignent aussi d'insécurité : aucune structure policière permanente n'existe au PK12 où l'autorité de l'Etat se réduit à deux chefs de quartier analphabètes dont le moins que l'on puise dire est qu'ils ne sont pas populaires auprès des habitants. Ils se plaignent, enfin, de discriminations lors des embauches locales et des distributions d'aides, opérées, selon eux, au profit des seuls membres du parti gouvernemental.
Décidément...
MEMOIRE


LE MEILLEUR HOMMAGE A RENDRE AUX VICTIMES DE LA GUERRE, C'EST DE PARVENIR A LA PAIX !

Une association affidée au pouvoir en place, c'est-à-dire l'une de ces coquilles vides que le régime a cru utile de faire essaimer à travers la capitale et dont il prétend pompeusement qu'elles forment ce qu'il appelle le Réseau National des Associations Djiboutiennes (RENAD), l'une de ces enseignes sans substance, donc, aurait organisé une journée santé cette semaine à l'occasion du premier anniversaire de la disparition d'une équipe médicale de l'Armée nationale et de l'équipage de l'hélicoptère militaire qui la transportait. Disparition liée à la destruction de l'appareil. Parmi les disparus , rappelons-le, il y avait deux officiers de valeur, le jeune capitaine médecin Aboubaker Ibrahim Halas et le sous-lieutenant Abdillahi Idleh Waberi.
Le régime, à travers cette prétendue association du Quartier 7, tente d'exploiter la mémoire de ces cadres de valeur à des fins politicardes. C'est oublier sa lourde responsabilité dans la guerre civile sans laquelle ces hommes n'auraient pas péri, en tout cas pas dans les mêmes circonstances tragiques.
Nous rappelons aux pseudo-responsables de cette prétendue association, dont (fait éloquent) l'opération a été largement couverte par la Radio Télévision de Djibouti (du pouvoir, devrions-nous écrire), ainsi qu'au régime en place que le meilleur hommage à rendre aux victimes de la guerre civile n'est pas de verser dans une tentative de récupération d'un autre âge, mais de mettre définitivement fin à la guerre civile et au bain de sang inhérent.
A bon entendeur...


REGIONALE

LA SOMALIE : ET SI ON Y REGARDAIT DE PRES ?
par DAF


Au moment où Monsieur Ismaël Omar Guelleh se découvre une vocation d'homme de paix avec la conférence de paix et de réconciliation somalienne d'Arta, alors même que le retour à la paix civile dans son propre pays attend désespérément d'entrer dans les faits comme dans les cœurs et les esprits, au moment où dans son initiative de paix somalienne le disciple gouledien, tout acquis à la tradition de la facilité, parsème son chemin de difficultés, par ses méthodes comme par ses motivations, il nous semble opportun de republier un article paru sur le sujet en été 1994 dans le mensuel Ensemble. Et qui déjà indiquait les pistes à emprunter pour une véritable réconciliation inter-somalienne.
Nous notons que le plan de Monsieur Ismaël Omar Guelleh présente de frappantes similitudes avec le point de vue développé dans cet article. Mais s'agit-il simplement de sa part d'une initiative de pure forme pour masquer des motivations inavouables ? L'avenir le dira.
" Comme si plus de vingt et un ans de sombre dictature ne suffisaient pas, la Somalie, à la chute de Mohamed Siad Barreh, a sombré dans une très meurtrière guerre fratricide. La communauté internationale, après un long silence peu justifiable, s'est mobilisée sans pouvoir cependant mettre fin à la tragédie. De sorte que le peuple somalien se retrouve seul. Pourtant, à l'analyse, le pourquoi du drame qui le déchire se révèle ; et la solution, alors, transparaît.
Peu après le départ forcé au mois de janvier 1991 du général dictateur Mohamed Siad Barreh qui aura pris le pouvoir par un coup d'Etat militaire en octobre 1969, pour l'exercer sans partage plus de vingt et un an durant, la Somalie voisine a sombré dans une guerre fratricide très meurtrière dont les victimes s'ajoutent aux victimes. Ni les ressources de la diplomatie occidentale ni les démarches du monde arabo-musulman ni même la conférence de réconciliation organisée sur le sol djiboutien en juillet 1991 ou les réunions d'Addis-Abeba et d'ailleurs dans la région, n'auront prévenu de stopper le déchaînement des passions. Pas plus que la tardive mais massive intervention militaro-humanitaire onusienne conduite par les Etats-Unis n'auront véritablement éteint l'incendie national. De sorte que finalement le peuple somalien est abandonné à lui-même et à son drame. Tout se passe comme si la Somalie n'était plus d'un intérêt suffisamment stratégique pour mériter un acharnement thérapeutique et que, de toute façon, la complexité apparente du problème rebutait les rares bonnes volontés. Pourtant, en y regardant de près, le problème se révèle...
Les responsabilités sont partagées
De fait, les causes de la tragédie somalienne, demeurent, au delà de l'anarchie apparente, perceptibles, et elles sont à la fois d'ordre externe et interne. Dans la mesure où , au nom de leurs intérêts particuliers, les pays dominants ont longtemps fermé les yeux sur les sombres méthodes de gouvernement en cours en Somalie, comme ils l'ont d'ailleurs fait pour les autres pays "pauvres" que l'on a baptisés du vocable évocateur de Tiers-Monde, ils portent leur part de responsabilité, et elle n'est pas mince. Ils sont responsables d'avoir aidé la dictature de Mohamed Siad Barreh, d'avoir opté pour la facilité en misant sur des tyrans dont les jours ne pouvaient être que comptés parce que contraires aux aspirations des peuples concernés. Ils sont, pour nombre d'entre eux, responsables d'avoir ainsi refusé au peuple somalien, comme aux autres du monde en développement, ce sur quoi ils fondent leur propre système politique, ce pour quoi ils ont souvent combattu le pouvoir personnel sur leur propre sol : la liberté, la dignité, la justice sociale... bref ces valeurs éminemment humaines que l'on englobe dans le concept universel de Démocratie. Car c'est assuré de ce silence cyniquement bienveillant que le sinistre Mohamed Siad Barreh aura semé et entretenu les germes de la guerre civile : en employant à fond la très vieille recette de la division et donc de l'hostilité suscitée. Jouer de mille et une manières tel clan contre tel autre, s'appuyer sur le sien propre par un intéressement privilégié à la prédation de l'Etat, l'ancien petit membre de la police coloniale aura eu tout le loisir de "travailler" son peuple qui n'est pas, faut-il le souligner, plus naïf qu'un autre. Hitler, tout ancien caporal-chef de l'armée qu'il était, n'a-t-il pas mené en bateau un peuple allemand pourtant à l'avant-garde du progrès du moment ? L'Europe de l'Est ne s'est-elle pas laissé passer le fer par une autre dictature, peinte en rouge celle-là ? Dans un rapport de forces défavorable, tout peuple connaît la défaite. Tout comme sa vigilance peut être mise en défaut par les démons de la démagogie. A ce niveau-là, donc, les Somaliens n'ont pas de motif de complexe.
En revanche, et c'est ce que l'on appelle l'élite politique qui est ici en cause, les Somaliens se sont trop laissé manipuler par des individus assoiffés de pouvoir et prêts à tout pour le conquérir. Des êtres sans scrupules que le spectacle de ce chaos de sang, de ruines et de famine qui a ému le monde entier, ne semble pas atteindre dans leur lutte démentielle pour la conquête du gouvernail. Il ne s'agit pas de clouer au pilori l'ambition personnelle, elle doit au contraire conserver toute sa légitimité, mais elle ne doit en aucun cas se déployer aux dépens de ce qui la fonde et l'autorise, le peuple. Si l'ambition conduit à utiliser le sang des siens, à orchestrer avec d'autres la destruction de sa patrie, de le vider de son substrat humain par la faim, la mort et l'exil, si elle amène au pillage et à la mise à sac du patrimoine national, elle cesse d'être ambition pour devenir pure folie. Il n'est point d'autre nom. Que dirigera-t-on quand on aura réduit le pays à l'état d'un champ de ruines baignant dans un fleuve de sang ? Comment envisager un seul instant un destin national avec une logique claniste ?
Oui les chefs de guerre et autres responsables politiques somaliens, auront démérité de leur pays et de leur peuple. En perdant la raison, en manipulant chacun son clan d'appartenance, en exploitant les rancœurs et frustrations nées du syadisme, en faisant miroiter prébendes, sinécures et autres privilèges de la prédation de l'Etat, mais aussi en se prêtant à toutes les compromissions avec l'Extérieur pour vu qu'ils y trouvent leur compte. Ces hommes et femmes qui eux ignorent les souffrances de la faim, savent préserver leur petit confort personnel dans la désolation générale, que l'on voit tantôt sur le terrain dirigeant les opérations de destruction et de pillage à peu de risques, tantôt dans les salons feutrés des conférences de réconciliation où ils viennent surtout pour ne pas se réconcilier, ceux-là portent une grande part de responsabilité au plan interne.
Un problème national de portée régionale
Mais le problème somalien ne se limite pas, du point de vue de son impact, aux seules frontières nationales, il en déborde largement pour devenir une question de portée régionale dont les conséquences se prolongent jusque dans toute la Corne. C'est qu'à Djibouti, en Ethiopie et jusqu'au Kenya, l'on retrouve le même peuple somali dans sa diversité clanique et que de ce fait ce qui oppose deux clans sur le sol de la Somalie ne peut laisser indifférents les autres membres (vivant ailleurs) des clans rivaux. D'où le risque que le conflit s'exporte et menace la stabilité sous d'autres cieux. De même, les vagues de réfugiés fuyant la guerre et la famine sont rarement vécues comme une petite visite de bon voisinage par les pays d'accueil pour lesquels ils représentent une source supplémentaire de soucis. Le cas de Djibouti qui plie sous l'afflux de réfugiés de Somalie et d'Ethiopie est suffisamment éloquent quant aux problèmes liés à l'exode en provenance du voisin. Accueillir des milliers de personnes démunies et psychologiquement en état de choc, leur assurer de quoi survivre (hébergement, alimentation, soins de santé) et de préparer un avenir minimal (scolarisation, formation)... voilà qui est malaisé pour ne pas dire plus. D'autant que les pays d'accueil de la région se débattent dans leurs propres difficultés et voient ainsi leur capacité d'absorption réduite.
C'est dire l'impérieuse nécessité pour les pays voisins de la Somalie de l'aider à se retrouver. Etant entendu qu'aider ne signifie pas s'immiscer dans les affaires internes à des fins inavouables : la plus monumentale des erreurs, de ce point de vue, serait de vouloir mettre à profit la situation de faiblesse et de chaos que traverse cette nation pour donner libre cours à de vieux rêves de domination, car, et l'Histoire le démontre abondamment, la chose rencontrerait un cuisant échec, emportant dans la tempête la crédibilité de ses auteurs et la sympathie populaire à leur endroit.
C'est donc une aide fraternelle, un élan désintéressé, qu'appelle le drame somalien de la part des pays limitrophes. Cette aide peut par exemple, au plan politique, revêtir la forme d'un soutien logistique à de véritables réunions intersomaliennes à tous les niveaux de décision de la société et pas seulement entre seigneurs de guerre et autres marchands de démagogie. Comme elle peut se traduire par un blocus sur les armes à l'encontre des bandes armées qui sèment la mort et la terreur.
La solution passe par la prise en compte de la société réelle
Cela aiderait à la recherche d'une solution, qui est possible. Elle réside dans le dialogue intersomalien qui doit être élargi de manière effective aux acteurs de la société réelle. C'est-à-dire à ceux qui détiennent le pouvoir traditionnel. Car, à côté de la société urbanisée, régie par le modèle institutionnel importé d'Occident, à côté donc de cette classe de professionnels de la politique, des armes, des affaires et du savoir acquis à l'école occidentale, évolue une autre société qui fonctionne selon les règles ancestrales, et celle-ci demeure de loin prépondérante dans la société globale. Même si les deux se sont depuis longtemps interpénétrées. Ne pas la prendre en considération, l'ignorer dans l'élaboration du schéma de la reconstruction institutionnelle, serait une profonde erreur aux lourdes conséquences pour la bonne marche du pays. Ce n'est pas en les ignorant que l'on se concilie les réalités, c'est en tenant compte d'elles que l'on arrive à un résultat digne de ce nom. Et ce n'est pas revenir en arrière que de prendre en compte les réalités locales, bien au contraire, c'est sur la vie concrète que doit reposer l'effort. Le modèle institutionnel légué par le colonisateur et que l'on s'est empressé de plaquer sur des sociétés pourtant très différentes des nations européennes, n'est pas tombé du ciel : il est le produit d'un ordre social, culturel et économique donné qui a sécrété par un long processus historique son mode d'organisation politique et sociale.
L'organisation clanique du peuple somali ne doit pas être vue comme une calamité ainsi que certaines sirènes tentent de nous le faire croire. Il suffit, pour s'en convaincre, de se rappeler que la société somalie n'est pas née avec le fait colonial et qu'elle a toujours fonctionné harmonieusement, sans quoi elle n'aurait pas survécu. La régulation de la collectivité pose problème dans les centres urbains parce que le passage à la ville a marginalisé les structures traditionnelles arbitrales sans y substituer un cadre institutionnel fiable. Marginalisation survenue au profit d'une règle du jeu fondée hier sur la division et l'exploitation colonialistes, aujourd'hui sur une course sans morale au pouvoir. La crise somalienne traduit toute la difficulté de bien fonctionner de l'Etat colonial et post-colonial.
Concrètement, il faut un syncrétisme politique qui emprunte à la fois au modèle importé et au patrimoine local. Le premier est nécessaire pour vivre pleinement sur le mode urbain qui nous met, nous autres Africains, en prise sur la fureur de ce que l'on appelle modernité tandis que le second nous traduit nous-mêmes dans notre vérité profonde que le contact avec l'Autre n'a modifiée qu'en la recouvrant d'un léger vernis. En d'autres termes, il s'agit de trouver une formule qui concilie conscience clanique et sentiment national. Ce qui peut passer, par exemple, au niveau communal, par la mise en place, à côté du Conseil municipal, d'un Conseil traditionnel qui représente la société somalienne réelle avec des attributions qui en fassent un partenaire obligé de l'organe d'inspiration moderne. Ce schéma est transposable aux niveaux supérieurs et jusqu'à l'échelon national où la chambre des députés peut être renforcée d'un Conseil des Sages, de sorte que les structures ancestrales se trouvent associées au processus étatique de prise de décision. Ainsi s'amorcerait un processus de construction institutionnelle originale où les impératifs de la vie dite "moderne" fassent bon ménage avec les réalités locales et qui doit déboucher à terme sur une formule de vie collective harmonieuse. L'expérience mérite d'être tentée.
Les Somaliens touchent aujourd'hui, comme d'autres sociétés dans l'Histoire, le bas fond, d'où ils ne peuvent que remonter. Ils ont besoin d'être aidés dans leur effort de paix et de reconstruction nationale. Si le drame qu'ils connaissent est grave, il n'est pas insoluble. Il a ses causes qu'il convient de prendre la peine d'analyser autrement qu'à travers le prisme déformant des préjugés et autres clichés ambiants. Ces pasteurs nomades, qui ont toujours su défendre leur dignité, ne sont pas plus énigmatiques que d'autres. Ils sont eux-mêmes et doivent être vus comme tels. Non comme l'on voudrait qu'ils soient. "


CULTURE ET SOCIETE

POUR UN DEBAT SUR L'IDENTITE CULTURELLE NATIONALE
par Omaneh


Toute société humaine secrète sa propre culture par laquelle elle s'identifie et se distingue des autres. Mais une collectivité est un organisme vivant qui évolue par lui-même et au contact de son environnement. Ce qui ne signifie nullement qu'elle ait à subir son mouvement: bien au contraire, elle doit pouvoir contrôler sa marche. D'où un débat permanent en son sein pour que se dégage le nécessaire consensus qu'appelle chaque étape de l'évolution collective.
L'être humain tient, ce n'est point un mystère, à la conjonction de deux choses : le naturel et l'acquis. Le naturel étant ce qu'il possède en naissant -qualités et défauts- et qu'il hérite essentiellement de ses parents. La beauté physique, la taille, la couleur des yeux... relèvent par exemple du naturel. Quant à l'acquis, c'est ce qu'il apprend, ce qu'il acquiert. C'est donc un apport de l'extérieur. Où reçoit-il cet acquis ? Et comment ? Il le reçoit de l'environnement social où il naît. Cet environnement, ce milieu, c'est d'abord la famille, c'est-à-dire son père, sa mère, ses frères et soeurs et autres proches parents vivant avec eux s'il s'agit d'une famille élargie. En dehors de la cellule familiale (plus ou moins large), il y a la société, c'est-à-dire la communauté humaine à laquelle appartient la famille de l'enfant qui naît. Cette société peut être un ensemble d'individus unis par des liens ethniques (ethnie), claniques (clan), religieux (confession) ou nationaux (nation).
Et il apprend par mimétisme (imitation) et à travers l'enseignement (école moderne ou traditionnelle).
Culture, qui es-tu ?
L'enfant qui naît, donc, acquiert, apprend -progressivement- ce qu'il faut savoir pour survivre et se comporter.
Les règles de survie sont fonction du milieu et de la communauté humaine concernée. Du milieu naturel, parce qu'il faut s'adapter pour y survivre. Ainsi du pasteur nomade qui se déplace pour trouver eau et herbe : il effectue un geste de survie. De la société, parce que selon que le niveau de développement technique est élevé ou non, les règles de survie varient. C'est que le savoir-survivre prend en compte à la fois les caractéristiques du milieu naturel et les outils dont dispose la société concernée. Très logiquement, donc, le savoir-survivre d'une communauté de chasseurs différera de celui d'une société de pasteurs nomades qui lui-même se distinguera du mode de subsistance d'une collectivité agricole.
A côté de ces règles de survie, de l'acquis vital dicté par le réflexe de conservation, l'humain qui naît apprend aussi à se comporter. Se comporter vis-à-vis des siens (ses parents, sœurs, frères, oncles, tantes, etc.) à l'égard des personnes plus âgées que lui, de la femme (ou de l'homme si c'est une femme), des voisins, se comporter aussi par rapport à la collectivité prise dans sa globalité, à l'endroit des autres communautés, etc. Il apprend un ensemble de règles, de principes, de formes de comportement. Qui sont autant de repères, de valeurs pour vivre en harmonie avec la société d'appartenance. Ces valeurs - qui ne sont pas de la même importance selon qu'elles concernent les fondements de la communauté ou non- ne tombent pas du ciel. Elles s'inscrivent dans une logique cohérente liée à la fois à des impératifs de bon fonctionnement collectif et à une certaine vision de la vie sur terre et du monde. Vision elle-même forgée par le besoin qu'éprouve l'homme de s'expliquer l'univers. Qui suis-je ? Pourquoi suis-je ? Où suis-je ? Où vais-je ? Comment fonctionne-je ? Et ce qui m'entoure ?, etc. sont autant de questions auxquelles il répond par des croyances et ou des savoirs.
L'ensemble de ces formes de comportement s'appelle culture, laquelle - lorsqu'elle est mise en œuvre et concrétisée- donne naissance à la civilisation. C'est donc la culture qui prime la civilisation qui n'en est que la manifestation.
La culture, on le voit, est le fait de la société qui la secrète. Or celle-ci évolue sous l'influence de la nature (le milieu naturel change et contraint ceux qui en dépendent à faire de même), de l'Autre (relations conflictuelles ou pas avec les autres communautés humaines), ou sous l'effet de ses propres contradictions (remise en cause interne de l'ordre établi, dans ses dimensions politique, spirituelle, sociale...). Par voie de conséquence, la culture évolue aussi. Mais pas n'importe comment. Parce qu'une société possède, à l'instar de l'individu, un instinct de survie qui lui permet de faire face au danger de mort et de lutter de toutes ses forces. Quand, par exemple, en juin 1940, la France capitule face à L'Allemagne, c'est par réflexe de survie devant la puissance foudroyante de l'ennemi. A défaut d'y résister militairement on se soumet et se donne ainsi un peu de répit pour élaborer une stratégie qui mette fin à l'occupation et par là même à la défaite. C'est la résistance nationale, qui débouche sur l'appel mobilisateur lancé par le général Charles de Gaulle le 18 juin 1940. De même, si nos ancêtres ont militairement capitulé devant le colonisateur, ils ont su admirablement résister culturellement. Allant jusqu'à refuser d'envoyer leur progéniture à l'école du conquérant, de travailler pour lui. Et boudant la cohabitation (ce qui explique la faible sédentarisation). Résistance qui traversera les générations et débouchera sur l'indépendance. Mais la particularité du fait colonial, par comparaison aux autres rapports intercommunautaires, est qu'il est brutal, massif et volontairement déstructurant. D'où la violence de son influence que la résistance héroïque n'aura pas toujours circonscrite.
Pour nous autres Djiboutiens, l'heure a sonné du débat
Et à l'indépendance, nous avons manqué, dans l'euphorie de la liberté et de la dignité retrouvées, de nous demander quelle société il nous fallait. La fatigue était tellement forte que nous en avons oublié le nécessaire débat national : nous nous sommes effondrés, tel un marathonien épuisé mais heureux de gagner, sur la ligne d'arrivée. Longuement, nous nous sommes reposés. Profondément. Si profondément que le réveil, comme chez l'opéré qui revient à la normale, est un peu dur et nous secoue de convulsions.
L'heure est donc venue d'engager le débat et, sagement, lucidement, de répondre à la question : "quelle identité culturelle pour nous autres Djiboutiens ?". Ce qui revient à se demander quel type de société nous convient.


EN BREF-EN BREF

SANTE :
LES DIKHILOIS SE PLAIGNENT


La population de Dikhil se plaint de ce que son hôpital, qui est doté d'équipements modernes d'analyses médicales et d'un centre antituberculeux ouvert à l'ensemble du sud djiboutien, manque cruellement d'agents paramédicaux qualifiés. Notamment pour le laboratoire où, semble-t-il, l'on est incapable de faire une goutte épaisse. (test élémentaire du paludisme).
A suivre


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