LA TORTURE A DJIBOUTI


RECITS ET TEMOIGNAGES
des victimes du régime.
Ces documents accablent Ismaël Omar Guelleh,

Page actualisée le 26/02/01

Sommaire
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Maître AREF, prisonnier politique ?
Le ministre s'attaque à Mme AREF
Liste des prisonniers politiques


Lettre de l'ARDHD
à M C. JOSSELIN

Actualité des trois mois
Interview - Gouled APTIDON
Rapport Avocats sans Frontières
La poudrière djiboutienne
L'europe a le pouvoir d'agir
Lettre de Me MONTEBOURG
Demande de mise en liberté provisoire
Plainte de l'Association
Djibouti - un état de non-droit
Les autres organisations
Bibliographie
L'ARDHD
L'AFADD
PARTICIPEZ AU FORUM
La manifestation
du 12 mars

Les 10 et 12 février 2000, 39 détenus politiques ont été libérés,
dans le cadre des accords signés le 7 Février 2000 à Paris
entre le FRUD- opposition armée et le Gouvernement de Djibouti.

Voir la liste et les photos des prisonniers politiques : mise à jour en mars 200

Parmi les tortionnaires les plus cités

  • Colonel Mahdi Cheikh Moussa,
  • Colonel Omar Bouh Goudade
  • Lieutenant-colonel Hoche Robleh
  • Lieutenant Ladieh
  • Commandant Zakaria Hassan
  • Lieutenant Mohamed Adoyta
  • L'aspirant Haroun
  • Le sous-officier Naguib
  • L'adjudant Tane
  • Kalifa
  • Wagdi

    Parmi les magistrats, aux ordres du régime, qui contibuent à la situation de non-droit :

  • Le Procureur Général, Mohamed Ali ABDOU
  • Le juge IYEH
  • Le juge Said ABKAR
  • Mme LEILA, juge d'instruction
  • Madame Nima Ali Warsama

    Ces personnes, pourraient être appelées, un jour, à répondre de leurs actes et des crimes commis soit sous leur autorité, soit en vertu de leur complaisance, devant les juridictions pénales internationales en cours de constitution.

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Sans oublier ceux qui contribuent à cet état de non-droit :


le conseiller du Ministère français de la Justice, dont la 'passivité' nous semble pour le moins regrettable... Son attitude nous conduit à nous poser un certain nombre de questions ..

les avocats qui ont perdu leur indépendance et qui interviennent aux ordres du pouvoir :

  • Maîtres

    Wabat DAOUD (Bâtonnier)
  • MONTAGNE
  • MARTINET
  • DINI

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LA TORTURE A DJIBOUTI
UNE PRATIQUE GENERALISEE
et toujours d'actualité

De l'attentat du "Palmier en zinc" (1977)
à la "tentative de coup d'Etat" ou "Affaire Ali Aref" (1991),
plus de deux mille personnes ont subi des sévices corporels
à la fameuse Villa Christophe
ou dans les locaux du S.D.S ou de la gendarmerie nationale.


Au niveau national, si l'on faisait un compte macabre, deux chiffres résumeraient la banalisation de la torture et de l'arbitraire à Djibouti :

  • Entre 1977 et 1991, deux mille personnes ont été soumises à des pratiques inhumaines et dégradantes. Par là, nous entendons la torture dans sa forme la plus abjecte et la plus avilissante, décrite par Amnesty International dans ses documents accusateurs sur Djibouti.
  • Celles qui ont été victimes d'arrestations arbitraires et d'interrogatoires traumatisants pour des raisons strictement politiques, atteignent à notre avis le chiffre de cinq mille personnes ;
  • soit un bilan total de sept mille personnes gratuitement violentées ou torturées par les forces de l'ordre.

Tel est le vrai visage du système répressif djiboutien.


Selon le rapport accablant d'Amnesty International :

  • durant l'année 1990-91, trois cents personnes appréhendées ont été torturées.
  • A la suite de l'attentat du Café de Paris, deux cents Gadaboursis (Somalis) ont subi les sévices.

Les types de tortures utilisés à Djibouti sont aussi dégradants que variés
et des personnes y ont laissé leur vie :

l'enfermement dans une cellule inondée,
les décharges électriques,
les coups reçus après suspension à un mât horizontal (surnommé "la balançoire"),
la bouteille pleine attachée aux testicules,
la bouteille introduite dans l'anus.


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TEMOIGNAGES

Le court extrait ci-dessous indique jusqu'où va le sadisme des gendarmes tortionnaires, mus par la haine de "l'autre" :

"Ils m'ont attaché par terre et m'ont enfoncé une bouteille dans l'anus. Ils m'ont forcé à m'asseoir dessus. Comme ils ont vu du sang couler, ils ont voulu l'enlever. La bouteille ne sortait pas et ils ont été obligés de casser le fond pour laisser partir l'air."

Dans l'esprit du citoyen ordinaire, la torture induit un sentiment répulsif, inquiétant, extraordinaire. Tant qu'on n'y est pas confronté personnellement, elle nous paraît - même si nos proches en ont été victimes - quelque chose de lointain et d'étranger.

La tragique expérience qu'on en fait soi-même reste gravée comme une empreinte indélébile.

Voici un témoignage personnel :

L'affaire a commencé début août 1990, lorsque Jeune Afrique n° 1544 du 1er août 1990 a publié un reportage sur la république de Djibouti. Le régime en place était présenté sous un angle flatteur. De surcroît, l'hebdomadaire avait poussé la complaisance jusqu'à soutenir les thèses officielles par des arguments erronés, voire racistes.

Entre autres, il décrivait la communauté Afar comme une minorité (20% de la population totale) vouée à une sous-représentation politique dans l'avenir, le comble étant la "régression démographique des Afar" justifiée par la consanguinité !
Ces mensonges ont été ressentis comme un affront par l'ensemble de l'entité Afar du pays.


Quelques jours après, un autre magazine français, L'Evénement du jeudi du 9 août 1990 révélait l'existence "d'accords secrets de défense" Djibouti-Irak pour résoudre le "problème des nationalités".

Cela a provoqué un nouvel émoi dans le milieu Afar, en particulier intellectuel. Car en termes explicites, la résolution du "problème de nationalité" Afars, arabes et Somalis) impliquait dans le contexte djiboutien la neutralisation de la nationalité Afar, laquelle constitue un obstacle majeur à la politique d'hégémonie menée par le clan du président de la République.

Quand on se souvient un tant soit peu de la façon expéditive dont le maître de Bagdad a tenté d'enrayer le nationalisme kurde, il est légitime de frémir à l'idée d'une alliance irako-djiboutienne. Saddam Hussein n'a-t-il pas incendié des milliers de villages et gazé des femmes et des enfants kurdes?

Ce fut dans cette atmosphère de tension que survint "l'affaire du tract". Composé d'une photocopie de l'article de l'Evénement du jeudi assorti d'un commentaire, ce bulletin mettait en relief trois points :

  1. Dénonciation des mensonges de Jeune Afrique
  2. Mise en garde contre les "alliances douteuses" du régime de Gouled
  3. Enfin, revendication d'une société de droit fondée sur la démocratie et le multipartisme.

Le 23 août, deux jours après la distribution de ce tract, j'étais arrêté par deux officiers de la gendarmerie nationale (Lieutenant Ladieh et aspirant Haroun) sur ordre d'Ismaël Omar Guelleh, neveu et chef de cabinet du président de la République.

Ils ont procédé à mon interpellation et à la perquisition poussée de mon bureau (B.C.I - M.R où j'assurais l'intérim du responsable de l'agence Marabout) et de ma maison, sans qu'ils aient été munis d'aucun mandat.
Je fus incarcéré à la brigade Nord située sur le boulevard de Gaulle. L'après-midi,
j'ai comparu devant les deux officiers sus-cités qui m'ont "conseillé" de dire la vérité. Selon eux, une lourde charge pesait sur ma personne. L'interrogatoire fut bref.


Le lendemain vers 15 heures, j'étais soumis à un interrogatoire de plusieurs heures mené par l'aspirant Haroun. Durant l'intermède, j'ai eu droit à un entretien avec le capitaine Yonis Hoche. Celui-ci me répéta les mêmes mises en garde, m'ordonnant de dire le nom de mes complices.

Il me menaça en mentionnant le nom de la Villa Christophe, lieu sinistre qui fait office de laboratoire de tortures depuis 1977. L'enquête se prolongea ensuite dans le bureau de l'aspirant où questions variées me furent posées :

  • Qui a rédigé le tract ?
  • Qui sont tes collaborateurs ?
  • Qui se cache derrière l'appellation "Alliance des forces pour une alternance responsable" ?
  • Quels sont tes liens avec le F.D.L.P et l' U.M.D ?
  • Qu'est-ce qui t'a incité à rédiger ces propos subversifs ?
  • Pourquoi tiens-tu un carnet truffé de citations anti-gouvernementales?.

Je récusai les accusations et insinuations à peine voilées de l'enquêteur. Il me déclara détenir contre moi des preuves suffisantes sans parler de l'original d'un article trouvé dans ma serviette et destiné à Jeune Afrique.

Compte tenu des indices rassemblés, j'ai finalement reconnu être l'auteur du tract et de l'article dactylographié. Un tract, ce n'est rien du tout !


J'ai dû déchanter très vite. Et réaliser que la contestation équivaut à un crime contre l'Etat, une "atteinte à la sûreté de l'Etat".

A 20 heures, je fus mené à la fameuse Villa Christophe située sur la route circulaire d'Ambouli. Je fus introduit dans une pièce désaffectée où traînaient un bureau, deux chaises et deux tréteaux qui constituent le fameux instrument de torture à Djibouti sous le nom de "la balançoire".

Les menottes me furent enlevées et l'on m'ordonna de me déshabiller et de m'asseoir à même le sol. Le sous-officier Naguib me ligota les pieds, préalablement ceints d'une serpillière, avec une corde. Ensuite, mes bras passés de part et d'autre de mes genoux de façon à les envelopper, subirent les mêmes traitements.

C'est-à-dire une serpillière autour de mes poignets et attaches solides. Les serpillières ont vertu d'atténuer les traces de corde sur le corps. Le même agent glissa un manche à balai entre mes genoux et mes bras tendus. Puis le saisissant de part et d'autre, deux gendarmes me soulevèrent et me déposèrent sur les tréteaux.

J'avais alors la tête en bas et les pieds vers le haut. Un second manche à balia fut introduit cette fois entre mes pieds et les barres parallèles de la balançoire.

Cette opération acheva de m'immobiliser. Après un laps de temps dans cette position, le moindre mouvement signifie un supplice. Je suis resté longtemps suspendu ainsi. Puis le lieutenant-colonel Hoche Robleh, chef du corps de la gendarmerie nationale, vint s'enquérir de la façon dont l'opération était conduite.

Sa présence à la Villa Christophe ne m'étonnant point, car je savais qu'il était le chef des tortionnaires et que la torture était monnaie courante de Djibouti. L'autre phase de la torture commença lorsque la douleur devint insupportable, mes membres inférieurs étant engourdis, ankylosés. Je poussais malgré moi de longs gémissements.


Le sous-officier Kalifa, secondé par Wagdi, plaça un seau d'eau sous ma tête et couvrit la moitié de mon visage (les yeux restant à découvert) d'une serpillière nouée autour de mon cou. Il continuait néanmoins à le tenir serrée derrière mon cou, lui administrant de temps à autre des coups secs qui m'étranglaient littéralement. Kalifa commença à me verser l'eau à la hauteur du nez et de la bouche.

Je retins ma respiration, quand une décharge électrique me projeta vers le haut. Je hurlai de douleur et sur le coup, j'avalai une trombe d'eau par la bouche et par le nez.

Pendant un moment, la séance de torture se résuma à ce ballet infernal : décharge électrique, asphyxie par l'eau, étranglement par la serpillière. Un supplice parmi d'autres ; la serpillière imbibée d'eau engendrait un effet de serre et m'empêchait de respirer. Je ne pensais pas pouvoir survivre à un tel traitement.

Durant toute la scène de torture, l'aspirant Haroun, assis derrière le bureau, me posait des questions surréalistes, esquissait lui-même des réponses que je devais corroborer.
Je me souviens des yeux exorbités de mes tortionnaires qui trahissaient l'abus de la consommation de khat. Ils étaient tous habillés en civil.


Dehors, deux élèves gendarmes surveillaient les alentours. L'adjudant Tane, dont le visage était traversé de tics nerveux, tenait des propos inintelligibles et m'appliquait durant de longues secondes - qui étaient une éternité pour moi - une décharge électrique sur les pieds, les mollets, les cuisses, les avant-bras, les mains.

Ces ondes imprimaient à mon corps une contorsion douloureuse et mes pieds cognaient inlassablement le manche à balai.

Il m'a fallu, à la sortie de cet enfer, plus de quarante-cinq jours pour pouvoir marcher convenablement. Le plus invraisemblable est que j'ai été torturé en raison d'un tract. La disproportion avec les sévices que j'ai subi est démesurée. Je mes suis rendu compte que le prisonnier politique n'est pas supplicié pour délit d'opinion, pour acte de contestation publique.

Le but ne consiste pas à extorquer seulement des aveux, mais surtout à terroriser, à briser et à humilier la victime. Bien entendu, pour enrober d'une certaine légalité l'incarcération, les gendarmes contraignent "les détenus à faire des déclarations qui les incriminent ainsi que d'autres personnes et qui peuvent être utilisées devant le juge d'instruction"


(Amnesty International).

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1992 : Une femme, parmi tant d'autres malheureuses, a été violée en toute impunité sur ordre d'un sous-officier de l'Armée djiboutienne, qui l'a fait ensuite arroser d'essence et brûler vive.

Quelques extraits d'un rapport de l'ADDHL :

"Fait tout aussi grave à Obock, c'est la mort d'une dame d'un certain âge, Madame Hasna Ali Mohamed, qui était retournée dans cette ville désertée de ses habitants, afin de se rendre compte de l'état de sa demeure. Dès son arrivée, elle fut arrêtée, puis incarcérée dans les locaux de l'Armée. Ensuite sur ordre d'un sous-officier resté impuni à ce jour, elle a été torturée, violée, aspergée d'essence et brûlée vive sans qu'aucun officiel ne puisse s'en émouvoir. Cette malheureuse a laissé derrière elle plusieurs enfants dont certains en bas âge."

"A Yoboki, ville située au Sud du pays, des dizaines de personnes, dont plusieurs notables apparentés avec le Premier Ministre ont été froidement abattues par l'Armée en représailles aux attaques du FRUD dans cette localité."
....

Et pourtant, l'armée française, proche, restait curieusement silencieuse ...
" La plaine de Hanlé, qui a vu une vingtaine ses siens déchiquetés par les obus de l'Armée aveuglément tirés par l'Armée nationale n'est pas en reste, et ce, à quelques lieux d'un camp militaire français étonnement resté passif "


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DÉCLARATION
des détenus politiques :
Mohamed Hassan Farah, Mohamed Ali Arreyta
et Abdi Bouh Aden


Nous soussignés, Mohamed Hassan Farah, Mohamed Ali Arreyta, Abdi Bouh Aden, tous détenus politiques à la prison de Gabode à Djibouti, déclarons ce qui suit :

Nous sommes des innocents accusés injustement, l'affaire qu'on nous reproche est une affaire d'État et l'accusation a été fomentée par les services de renseignements de la police politique djiboutienne dirigée par le neveu de Hassan Gouled, Monsieur Ismaël Omar Guelleh : il s'agit de l'attentat du café de Paris qui a fait hélas un mort (un enfant français) et plusieurs blessés.

Aussi, après l'attentat, Ismaël Omar Guelleh a fait procéder à plus de trois cents arrestations d'opposants du moment, c'est à dire les membres de l'ethnie gadaboursi qui ont été sauvagement torturés pour les obliger à avouer une soi-disante culpabilité et un soi-disant complot imaginaire.

Ces arrestations et actes de tortures ont été dénoncés par les organisations internationales de défense de droits de l'homme comme Amnesty international alertées par Maître Aref.

Compte tenu de la preuve d'innocence des Gadaboursi et de l'ouverture d'une information judiciaire en France, Monsieur Ismaël Omar Guelleh a été obligé de trouver un autre bouc émissaire en la personne de Aden Robleh Awaleh, grande figure de l'opposition djiboutienne, et de nous mêmes, à qui le régime de Gouled reproche en réalité la participation au mouvement de guérilla (FRUD) dirigé par Monsieur Ahmed Dini.

Hassan Gouled ne voulait pas entendre qu'il y a des Issas au sein du FRUD. Mais tout le monde sait qu'au moment de l'attentat nous nous trouvions en Ethiopie comme peuvent le justifier les nombreux témoins que nous avons cités mais qui n'ont pas encore été entendus ni par un juge français ni par un juge djiboutien depuis notre arrestation en juillet 1992.

Plus curieusement encore, le juge français Monsieur LE LOIRE a tranquillement déjeuné en privé avec Ismaël Omar Guelleh à qui pourtant la DST française a reproché ouvertement d'avoir manipulé cette affaire dès le début, dans quatre rapports figurant au dossier.

Au surplus, un de nos co-accusés aujourd'hui en liberté grâce à son rapprochement avec le régime de Djibouti, Mahdi Ahmed Abdillahi, a publiquement attribué l'attentat à Ismaël Omar Guelleh sur Radio France internationale au moment où il se trouvait comme réfugié politique au CANADA sous le coup d'un mandat d'arrêt international lancé par la France.

Le résultat est que à la place de Ismaël Omar Guelleh, c'est nous qui sommes emprisonnés sans jugement public, contradictoire et indépendant en ce mois de juillet 1992.

Nous sommes donc incontestablement des prisonniers politiques que le régime tyranique fait mourir à petit feux et à l'abri de tous les regards surtout après la mise sous silence de notre avocat Maître Aref.

C'est pourquoi nous demandons à la communauté internationale des ONG de défense des droits de l'homme de se saisir de notre affaire non seulement pour l'éclaircir mais aussi pour la porter devant les Nations Unies à Genève et notamment devant le groupe de travail sur les détentions arbitraires en leur transmettant au besoin la présente et leur demandant l'audition de Maître Aref Mohamed et Maître Arnaud Montebourg qui connaissent parfaitement le dossier et pourraient y fournir les éléments prouvant notre innocence. Nous exprimons par avance notre gratitude à toutes les bonnes volontés qui voudront bien agir avant la mise à mort définitive de chacun d'entre nous.

Mohamed Hassan Farah
Mohamed Ali Arreyta
Abdi Bouh Aden


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TÉMOIGNAGE
DE ALI ROBLEH DARAR
Prisonnier politique détenu à Gabode depuis août 1996


Je soussigné Ali Robleh Darar de nationalité djiboutienne, résidant à Arta.
Je déclare que : nous étions arrêtés par les gendarmes à Arta le 28 août 1996 à six personnes toutes de la famille de Monsieur Ismaël Guedi Hared, ancien directeur de cabinet du président Gouled, puis accusés injustement d'une soi-disante affaire de crime à laquelle nous n'avons participé ni de près ni de loin.


Au cours de mon interrogatoire, le colonel Mahdi Cheikh Moussa, commandant de la gendarmerie nationale et membre de la famille du président Gouled, a ordonné aux lieutenants Zakaria Hassan et Mohamed Adoyta qui en étaient chargés de me torturer d'une manière intense.

Le lieutenant Mohamed Adoyta a refusé de me torturer, mais mes co-détenus ont été tous torturés cruellement. Ces derniers ont subi: - coups de pieds - coups de matraques - coupes de crosse de pistolet - étouffement à l'aide de l'eau mélangée au javel (système de balançoire).

Actuellement la santé de mon frère Abdillahi Robleh Darar est très affectée à la suite de la torture infligée par les tortionnaires. Il s'écroule au sol et perd connaissance de temps en temps. Privé des soins appropriés, je suis inquiet et crains que mon frère affaibli meurt dans la prison où les conditions de vie sont atroces et dégradantes.

Mes co-détenus au nombre de quatre ont été relachés après quelques mois de détention. Mon frère et moi sommes victimes d'une injustice depuis 31 mois, et au cours de notre détention nous avons jamais été appelés à comparaître.

Notre avocat a tout fait auprès de la Justice en faveur de notre libération puisque notre détention est arbitraire. Ce dernier nous a fait part qu'il ne peut rien faire pour nous défendre car la justice de notre pays bafoue les droits élémentaires.

Nous sommes parmi les centaines de prisonniers malheureux qui attendent un jugement depuis des années. Nous lançons un appel urgent à la communauté internationale car la torture est érigée en système de gouvernement à Djibouti et beaucoup souffrent atrocement des tortures.

Ali Robleh Darar

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DÉCLARATION
de ADEN SAID HARED
Prisonnier politique détenu politique à Gabode
depuis sept. 1998


Je soussigné Aden Saïd Hared né le 13 janvier 1969 à Wéa-Djibouti, célibataire, déclare:
J'ai été arrêté le mercredi 23 septembre 1998 vers midi à Wéa par les gendarmes de la brigade Arta-Wéa. Ils m'ont incarcéré dans des cellules pleines d'urine, sans courant d'air, ni électricité.
J'ai passé une semaine d'interrogatoire permanent, ils m'ont interrogé sans relâche. J'ai subi toutes sortes de tortures (balançoire, étouffement avec un mouchoir imbibé de javel, .).


Depuis ces temps jusqu'à ce jour, j'ai des problèmes d'ouie, de vue, et mentalement je ne me sens pas bien.

Le 1 er octobre 1998 ils m'ont présenté devant le juge et je n'ai pas manqué d'exposer ma douleur. Mais aucune démarche n'a été fait suite à ma déclaration.

Toute cette opération est dirigée par le capitaine Zakaria.

J'ajoute que nous avons lancé un appel, avec mes co-détenus, aux "Avocats Sans Frontières" pour intervenir en notre faveur. Mais le gouvernement de Djibouti leur a refusé le visa d'entrée au pays. Ma vie s'est dégradée lentement sous la pression de l'injustice et je croupis en prison depuis mon arrestation dans des conditions inacceptables.

L'intéressé Aden Saïd

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DÉCLARATION
de M. Elleyéh Amin Obsieh,
Prisonnier politique détenu à Gabode depuis sept. 1998


Je soussigné Elleyéh Amin Obsieh né en 1959 à Cheikheyti (district de Dikhil), père de deux enfants, de nationalité djiboutienne, employé comme gardien chez Ismaël Guedi Hared, l'ancien directeur de cabinet de la présidence aujourd'hui opposant pour avoir refusé de cautionner la tyrannie.

Je déclare sur l'honneur que: j'ai été arrêté mercredi 28 août 1996 vers six heures du matin par la gendarmerie de la brigade d'Arta. J'ai été torturé de plusieurs manières pendants dix jours. Ils m'ont fait subir l'étouffement avec une serpillère imbibée de javel, des coups de crosses, des coups de pieds au ventre. J'en ai gardé des séquelles et j'ai même craché du sang.

Les soldats qui m'ont torturé étaient commandés par le capitaine Zakaria de la gendarmerie nationale.

J'ai été relâché le 3 août 1996 vers 10 heures sans me présenter devant la justice. J'ai été soigné à la clinique pendant une dizaine de jours. J'ai déposé une plainte auprès de la Justice mais aucune démarche n'a été lancée.

En outre, une deuxième fois, j'ai été arrêté par la même brigade le 26 septembre 1998 et j'ai subi toutes sortes de tortures pendant cinq jours.

Lorsqu'ils m'ont présenté à la justice le 1 er octobre 1998, j'en ai profité pour exposer ma douleur à Mme Neima. Mais le juge a fermé les yeux, sans aucune considération pour ma déclaration.

Le gouvernement a refusé l'autorisation de me défendre à "Avocats sans frontières - France" et au bâtonnier de Djibouti Maître Ali Dini, député du parti de Gouled, à qui j'ai écrit pour demander la désignation d'un avocat sur place et qui ne m'a toujours pas répondu à ce jour.

Je croupis à la prison sous la pression de l'injustice depuis mon arrestation dans des conditions inhumaines. Je demande à toutes les ONG de défense des droits humains de saisir toute instance internationale compétente pour faire poursuivre les auteurs, leurs complices et les commanditaires des crimes dont je suis victime ainsi que plusieurs centaines de personnes détenues à la prison de Djibouti.



Elleyeh Amin
Djibouti le 25 mars 1999


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Éléments d'information
sur Kamil Mohamed Ahmed dit Kabir
Prisonnier politique détenu à Gabode depuis octobre 1997


Kamil Mohamed Ahmed dit Kabir est né au Day dans le district de Tadjourah. Suite à la répression massive qui frappe d'une façon sélective une des communautés djiboutiennes, il a quitté le Collège d'enseignement secondaire (CES) où il était actif, et s'est exilé comme beaucoup de ses camarades en Ethiopie en septembre 1977.

Il deviendra membre actif, puis cadre du Front Démocratique de Libération de Djibouti (FDLD), enfin responsable adjoint à l'information. Suite à la décision de cette organisation de regagner le pays il rentrera à Djibouti en 1982 et sera employé à l'ISERST (Institut Supérieur pour l'Etude et la Recherche Scientifique et Technique) comme technicien forestier de 1984 au 19 décembre 1991.

Révolté par le sort imposé aux populations civiles afares par le régime du président Gouled, notamment lors du massacre d'Arhiba du 18/12/91, il décide de quitter son travail pour regagner la zone libérée par le FRUD (Front pour la Restauration de l'Unité et de la Démocratie) et se mettra à la disposition de l'organisation.

Il devient membre du Comité central du FRUD où il accomplira des tâches multiples. Farouche adversaire de la ligne politique d'Ab'a, il jouera un rôle moteur dans l'organisation du congrès de la clarification de septembre 1994, où il sera désigné comme responsable politique du comité exécutif.

Tombé malade à plusieurs reprises depuis 1995 il se trouvait à Eli daar lorsque la Sécurité éthiopienne est venue l'arrêter le 26 septembre 1997 à 22 heures dans la nuit.

Il sera gardé une semaine à Aïssaïta avant d'être extradé le 4 octobre 1997 à Djibouti où il sera inculpé de "terrorisme, assassinat, vol en bande armée".

Il est resté neuf mois dans une petite cellule qui est une toilette aménagée, il souffrait d'une paralysie faciale et de pertes de connaissance fréquentes. Les soins lui ont été refusés et malgré une prétendue hospitalisation suite à la grève de la faim observée en mai 1998, il ne bénéficiera d'aucun soin.

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Éléments d'information
sur Ali Mohamed Makki
Prisonnier politique détenu à Gabode depuis octobre 1997


Ali Mohamed Makki, marié et père de six enfants, est né en 1958 à Tadjoura, fut militant anti-colonialiste, membre puis dirigeant local du MPL (Mouvement Populaire de Libération).

Il prend le chemin de l'exil en septembre 1977 comme ses nombreux camarades, suite à la répression massive anti-MPL et anti-afar. Membre et cadre du FDLD (Front Démocratique pour la Libération de Djibouti), il sera arrêté par des éléments du FLE (Front de Libération de l'Erythrée) au pied du Mont Moussa-Ali à cheval sur la frontière érythro-djiboutienne en même temps que son camarade Saïd Cheikh Mohamed (célèbre pour avoir essayé de détourner un avion à Tadjoura en septembre 1977).

Ils seront libérés le 5 août 1981, Saïd Cheikh Mohamed mourra six mois plus tard en février 1982. Ali M. Makki ne regagnera pas le pays et sera un des fondateurs du FRUD dont il assumera la responsabilité de l'action militaire.

Il résistera victorieusement face aux FAR (Forces d'Actions Rapides) dirigées par Omar Bouh. Il s'opposera énergiquement à la ligne capitularde d'Ab'a et participera activement au congrès du FRUD de la clarification politique tenu en septembre 1994 où il sera confirmé dans son rôle de dirigeant militaire.

Il sera arrêté par la Sécurité éthiopienne à Addis Abeba où il était de passage chez son épouse malade le 26 septembre 1997, et sera extradé le lendemain à Djibouti où il sera inculpé de terrorisme, d'assassinat, et incarcéré à la prison de Gabode.

Il y passera neuf mois dans la cellule dite 12 qui est une toilette exiguë. L'existence de cette cellule a été dénoncée par le député français Arnaud Montebourg.

Résistant contre le colonialisme dès l'âge de 16 ans, Ali M. Makki passera sans transition à la lutte pour la démocratie, se consacrant au total à la lutte politique depuis 25 ans.

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Éléments d'information
sur Mohamed Daoud Chehem
Prisonnier politique détenu à Gabode depuis octobre 1997


Mohamed Daoud Chehem est né en 1948 à Tadjourah.
Universitaire ayant suivi des études de mathématiques et de gestion en France. C'est un homme de rigueur morale et intègre, qualités rares en cette période et sous cette latitude.


Actif dans les luttes pour la démocratie sans être sous les feux de l'actualité, et la quasi totalité de sa famille ayant choisi l'exil, il est protégé des premières vagues de répression anti-afar de 1978 à 1981.

Chef de cabinet du premier ministre Abdallah Mohamed Kamil du 5 février au 7 novembre 1978, il sera affecté aux finances, avant d'être directeur des finances du 22 novembre 1987 au 13 janvier 1991.

Il sera arrêté le 17 janvier 1991 et incarcéré jusqu'en décembre 1993 en même temps qu'une quarantaine d'autres détenus sous l'accusation de complot contre l'Etat (Affaire du coup d'Etat dit des Cimetières).

Aucune preuve ne sera produite contre ce prisonnier d'opinion. A sa sortie de prison, il sera harcelé et empêché d'exercer toute activité professionnelle.

Il se rendra en Ethiopie le 19 janvier 1997 et choisira d'y résider régulièrement, renouvellant son visa et essayant de travailler. Les services de la Sécurité éthiopienne le font arrêter le 26 septembre 1997 à 19 heures à son hôtel, et l'extradent le lendemain vers Djibouti en violation de toutes les règles en la matière, donc en toute illégalité.

Ardent militant pour la démocratie, il a participé à la création du FRUD et n'a pas ménagé ses efforts pour faire échec à la ligne prônée par la reddition d'Ab'a. Depuis son arrestation, il souffre des yeux et connaît des difficultés pour lire. Sa vue ne cesse de baisser, il reçoit des médicaments qui le soulagent mais n'a pu effectué les examens médicaux indispensables.

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DÉCLARATION DU PRISONNIER POLITIQUE
HOUSSEIN OKIEH ABDI


Je soussigné Houssein Okieh Abdi de nationalité éthiopienne employé à la société de khat à Dire-Dawa en Ethiopie, déclare sur l'honneur ce qui suit : le 4 novembre 1998 j'ai été arrêté par la police politique éthiopienne qui m'a torturé et gardé en détention pendant quatre mois.

Ils ont exigé de moi que je déclare que je suis membre du FRUD et plus précisement que je dépend de la zone sud de ce mouvement et que ce dernier serait financé par des opposants politiques djiboutiens à savoir Monsieur Moumin Bahdon Farah (ancien ministre des Affaires étrangères et de la Justice) Monsieur Ismaël Guedi Hared (ancien directeur de cabinet de la présidence de la république), Monsieur Ali Mahamadé Houmed (ancien ministre de l'Industrie et ancien porte parole du gouvernement).

J'ai été détenu pendant quatre mois par la police politique éthiopienne dans des conditions atroces dans une minuscule cellule infestée d'insectes de toutes sortes.

Au surplus je n'avais à manger qu'un petit bol de doura par jour. A la fin de 4 mois et plus précisement le 15 mars 1999 j'ai été livré par les Ethiopiens à la gendarmerie djiboutienne qui m'a torturé à son tour avec le système de la balançoire à la brigade de recherche où j'ai été gardé pendant six jours.

Le 24 mars 1999 j'ai été présenté à un juge d'instruction djiboutien qui m'a traité de tous les noms lorsque je lui ai dit avoir été torturé par les Ethiopiens et Djiboutiens.

Sans me poser des questions le juge m'a envoyé à la prison de Gabode.

D'après ce que j'ai compris le juge veut utiliser les fausses déclarations que l'on m'a fait signer, après tortures en Ethiopie et à Djibouti pour mettre en cause de hautes personnalités djiboutiennes dont j'ai cité les noms plus haut et que je ne connais pas car je ne les ai jamais rencontrés.

Je fais donc dès aujourd'hui la présente déclaration sur l'honneur pour servir et valoir ce que de droit.

Djibouti, le 03/04/1999
Houssein Okieh Abdi


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LETTRE DES PRISONNIERS POLITIQUES
PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE DJIBOUTI


Gabode, le 29 mars 1999

A Monsieur le Procureur général

 

Objet: grève de la faim

Nous soussigné, Prisonniers politiques détenus à Gabode, Avons l'honneur de vous informer de notre décision d'entamer une grève de la faim à durée indéterminée à partir du 29 mars 1999.

Nous nous considérons comme des otages jetés en prison depuis 18 mois pour certains d'entre nous, dans des conditions qui interpellent toute conscience humaine.

Le refus systématique de soigner les blessés ainsi que certains malades en dépit de l'intervention du Comité international de la Croix-rouge est contraire à toute civilisation et constitue une violation de l'article 3 commun à la convention de Genève de 1949, au protocole additonnel II et à la charte africaine des droits de l'homme.

Le décès en prison le 12 mars de notre compagnon Abdi Houffaneh Liban dans des circonstances non-éclaircies est la preuve éclatante de l'insécurité carcérale.

Nous demandons notre libération immédiate, à défaut un procès dans les plus brefs délais. Nous demandons aussi et encore les soins d'urgence pour les personnes blessées et les malades.

Veuillez croire, Monsieur le Procureur, à l'expression de notre considération.

(*) La majorité des prisonniers (ci-dessous) ont été libérés fin février / mars 2000

Les personnes malades privés de soins :
1. Aden Hassan Houmed dit Eder : blessé et non soigné
2. Daoud Ahmed Ali dit Dinkara : blessé et non soigné
3. Haïssama Idriss Hamid : blessé et non soigné
4. Mohamed Daoud Chehem, malade
5. Kamil Mohamed Ahmed, malade
6. Farah Ali Rirache, malade
7. Moussa Omar Waïs, malade


La liste des autres prisonniers :
Personnes arrêtées à côté d'Arta
1. Houssein Haji Awaleh
2. Abdillahi Moussa Bouhoulé
3. Osman Youssouf Houffaneh
4. Moussa Omar Waïs
5. Farah Ali Rirache
6. Robleh Farah Arreh
7. Waberi Hersi Bahdon
8. Abdi Moumin Djama
9. Arab Ibrahim Amin
10. Omar Aden Abdi
11. Ibrahim Mohamed Abdi


Personnes détenues à cause de leur parenté avec Ismaël Guedi Hared
1. Mohamed Miguil Obsieh
2. Omar Guedi Hared
3. Waïs Guelleh Bahdon
4. Daher Gueddi Waïs
5. Aden Saïd Hared
6. Ahmed Hoche Hared
7. Eleyeh Aïnan
8. Ibrahim Samireh Darar
9. Abdourahman Hassan Aïnan
10. Saïd Mohamoud
11. Ali Robleh Darar
12. Abdillahi Robleh Dara


Personnes détenues sans jugement pour des raisons politiques
1. Mohamed Hassan Farah
2. Mohamed Ali Araïta
3. Abdi Bouh Aden


Avocat défenseur des droits de l'homme
Me Aref Mohamed Aref


Prisonniers extradés par l'Ethiopie et détenus parfois depuis des années
1. Mohamed Kadamy Youssouf
2. Ali Mohamed Makki
3. Badoul Yayo Saïd
4. Bourhan Mohamed Cheikh
5. Osman Dardar Mohamed
6. Amine Haggar Barho
7. Houssein Ali Mohamed
8. Aden Moussa Yakissa


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