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Djibouti,
le 27 avril 1999
Réponse
des prisonniers politiques
au Ministre de la Coopération
et de la Francophonie,
Monsieur JOSSELIN
Texte
de la lettre adressée au Président de l'ARDHD
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Cher Monsieur,
Tout
le monde est très surpris par les propos faussement rassurants du Ministre
JOSSELIN et nous nous demandons si cela ne cache pas en réalité un échec total
voire un camouflet personnellement subi par lui.
1)
La grève de la faim n'est pas terminée mais bien au contraire mais elle prend
de l'ampleur puisque de nouveaux grévistes de la faim se sont déclarés parmi
les détenus de droit commun et d'autres détenus politiques.
Il s'agit
notamment de :
- Messieurs ABDI BOUH
MERANEH et MOHAMED ALI ARREITEH détenus comme boucs émissaires pour l'odieux
attentat du " Café de Paris " sans jugement depuis 1992 (cf la déclaration
qu'ils nous ont adressée le mois dernier en même temps que d'autres détenus
victimes de tortures).
- Monsieur AHMED HOCHE
GUEDI, un adjudant de l'armée djiboutienne détenu sans jugement depuis quatre
ans pour une affaire dans laquelle il clame sur innocence et dans un dossier
totalement vide en ce qui le concerne.
Selon
Maître AREF, le représentant du CICR n'est venu dans son secteur de la prison
qu'une seule fois, le jour même de son transfert comme il vous l'a décrit.
Au lieu de se contenter
de la prétendue visite du délégué du CICR pourquoi le ministre français n'exige-t-il
pas de son ambassade qu'à l'instar de celle des U.S.A un diplomate aille rendre
visite aux détenus et s'entretienne directement et seul avec eux.
Cela
évitera au Ministre de diffuser des informations inexactes.
Au surplus la visite du
CICR à la prison de Djibouti n'a jamais empêché l'inhumanité du régime qui
refuse même les soins aux détenus : ce qui cause plusieurs morts chaque année
dans cette prison infecte.
Le seul et unique effet
de la visite annoncée d'un médecin du CICR est que pour la très courte période
la précédant le gouvernement fera soigner ceux qui en ont besoin, fera pulvériser
un peu du produit anti-moustique et c'est tout.
Aussitôt que le CICR tournera
le dos le régime inhumain reprendra son cours odieux. Mais ce n'est pas tout
en ce qui concerne le Ministre.
2)
Il s'est montré totalement incapable d'exiger de la dictature djiboutienne
le strict respect de ses engagements non seulement envers la communauté internationale
'exemple Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples ou encore la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme dont le cinquantenaire a été
fêté à..PARIS ! !
et y a à peine quelque mois) mais aussi et surtout envers la France puisque
les avocats français demeurent toujours interdit de séjour et de prétoire
à Djibouti nonobstant et au mépris de la convention franco-djiboutienne d'entraide
judiciaire.
Contrairement à ce qu'il
a en l'audace d'écrire à une Sénatrice française (dont les Djiboutiens
et les Français résidant à Djibouti connaissent désormais le nom pour avoir
secoué comme il se doit le " cocotier ") l'aspect relatif aux droits les plus
élémentaires de la défense et plus particulièrement l'accès des avocats à
leurs clients à tout moment et sans la moindre entrave constitue de toute
évidence ce qui réclame un traitement urgent et dont au surplus l'absence
de traitement un tant soit peu sérieux par le Ministre est précisément la
principale source de tous les autres aspects y compris l'aspect sanitaire.
3)
Le magistrat français coopérant collabore déjà pleinement avec la dictature
et rédige les discours aussi mensongers qu'élogieux vantant la tyrannie responsable
de tant de morts dans notre pays.
Cet homme ternit l'image
à la fois de son pays et du corps dont il est issu en France. S'il avait été
magistrat à Paris pendant la seconde guerre mondiale, aurait-il accepté avec
autant d'ardeur et de grâce de faire partie de la tristement célèbre " section
spéciale " ?
En attendant il se ment
comme un heureux poisson dans cette eau pourtant manifestement affecté du
sang d'innocents que l'on semble vouloir impunément continuer à verser.
Et Monsieur le Ministre
n'est pas gêné par cette situation qui trahit les engagements en particulier
africains du gouvernement de Monsieur JOSPIN, c'est-à-dire de la gauche plurielle
porteuse, pensait-on sur notre continent, d'un immense espoir pour les Africains
résistant avec courage et détermination au même genre d'oppression combattu
par les armes au KOSOVO aujourd'hui même.
4)
Monsieur le Ministre passe aussi sous silence le fait indiscutable qu'en dehors
du problème touchant au fond de l'affaire, Maître AREF est désormais et depuis
deux mois indiscutablement en détention arbitraire et illégale puisque la
dictature djiboutienne refuse de le faire bénéficier de la loi prévoyant sa
mise en liberté d'office.
L'article 195 du code
pénal djiboutien punit notamment de dix ans de réclusion criminelle l'auteur
ou les auteurs du crime de détention arbitraire et illégale.
Mais le Ministre français
de la coopération trouve normal qu'un magistrat français collabore pleinement
avec de tels criminels au sens de la loi djiboutienne comme française d'ailleurs.
Au lieu d'imposer des
préalables évidents à toute poursuite de la coopération française avec la
République de Djibouti, il qualifie les attitudes criminelles des autorités
judiciaires et politiques djiboutiennes de " volonté de transparence et d'efficacité
".
La question que tout le
monde se pose ici est désormais se savoir si l'ensemble du gouvernement français
partage ce point de vue du Ministre Monsieur JOSPIN que je vous laisse le
soin de qualifier.
Tous
amis qui souffrent vous expriment à tous leur gratitude pour le soutien inestimable
dans leur lutte pour la restauration de la paix pour des êtres humains qui
ont choisi la mort lente mais noble plutôt que de vivre comme des bêtes en
esclavage.
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